Le bagne comme utopie (07/11/2006)

 

On a du mal aujourd’hui à considérer le bagne comme une « utopie », c’est pourtant ce « lieu » (topos) qui « n’existe pas », que les gouvernements imaginent pour « éliminer les indésirables », asociaux considérés comme « classes dangereuses », auxquelles on va imposer le « salut par le travail », forcé, bien entendu.

L’exposition « Itinéraire d’une utopie », au musée municipal Ernest Cognacq, à Saint-Martin de Ré, rend compte de l’histoire de ces condamnations, et de l’échec du bagne. Saint-Martin de Ré, ville fortifiée par Vauban pour protéger l’île et le port de La Rochelle offrait une citadelle transformée en prison. On y regroupait les condamnés, et de là, s’effectuaient les départs vers « les terres de la grande punition », la Guyane et la Nouvelle Calédonie.

Les premiers convois eurent lieu tout de suite après le coup d’état du 2 décembre 1851. Dès le 8 décembre, ils partirent pour Cayenne, mêlant les condamnés politiques et les « droit commun ». Napoléon III, en 1854, légalisa les « transportations ». La troisième République y condamna les Communards, en 1871, et en 1885, elle aggrava les peines en instituant la relégation. Des photos, des dessins, des films montrent les condamnés attendant leur départ outre-Atlantique.

Et la scénographie de l'exposition place le visiteur en observateur de l’Histoire. C’est à travers des persiennes, des interstices, des ouvertures en forme de judas qu’il  regarde les signes, les images et les témoignages. Positions inconfortables, inquiétantes, corroborées par des films d’archives inédits, des extraits de reportages radiophoniques, des articles de presse, dont le fameux reportage d’Albert Londres, qui en 1923 dénonça l’enfer du bagne. On peut y lire les « unes » de l’époque, l’intervention de Gaston Monnerville, le décret signé Paul Reynaud.

On y entend des documents radiophoniques, on y voit aussi les objets familiers des détenus, les caricatures, les lettres, tout un environnement social et politique. Impressionnant !

« Il ne s’agit pas de faire revivre le drame de l’Histoire nationale, mais de dégager de la visite des outils pour s’interroger et pour débattre », dit le commissaire de l’exposition.

Pour questionner, les enfants sont maîtres. Des oeilletons ont été prévus à leur hauteur, l’imagerie naïve peinte par les condamnés leur parle. Et, dans la cour, ils peuvent s’essayer à l’évasion, avec un étrange canot qui leur tend ses avirons. 

« C’est loin la Guyane ? »

« Plus que 9875 kilomètres, tais-toi et rame ! »

 

 

 

 

 

Musée de Saint-Martin de Ré

Visite tous les jours sauf le mardi.

 Le week-end de 10 h à 18 h

05 46 09 21 22

musée.st.martin@wanadoo.fr

 

12:14 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer