Trilogy d'amour (16/11/2006)

Bonne nouvelle : le Vingtième théâtre reprend Torch song trilogy de Harvey Fiersten, une  « trilogie » que Christian Bordeleau avait adaptée, mise en scène et créée la saison dernière. Ce fut un succès, et fine mouche, le directeur, Pascal Martinet, garde le spectacle jusqu’au 31 décembre. Une aubaine !

L’auteur est new-yorkais et la pièce se passe là-bas, avec une échappée au Canada. Elle parle des gays et  elle aborde la question de la dignité.

Arnold (Eric Guého) est « drag queen » dans une boîte Off Broadway. Robe de satin, paillettes, perruque bouclée, talons aiguilles et faux cils, « elle » chante : « Je suis svelte ! », une chanson ironique et sans fard : « je gerbe discrètement ». Chanson réaliste et railleuse qui révèle un personnage attachant.

Arnold est en quête d’amour, le vrai, pas celui d’une backroom, il veut des lendemains qui sourient au petit déjeuner. Il a « couché avec plus de mecs qu’il n’y en a dans la Bible », mais pas un ne lui a dit « Arnold, je t’aime ». Le voilà fou de Ed (Frédéric Chevaux ou Emmanuel Barrouyer), un jeune prof qui n’ose pas afficher son homosexualité, et qui pour faire plaisir à sa famille, se laisse embarquer dans une relation durable avec Laurel (Brigitte Guedj). Arnold est malheureux. Fin de la première partie. 

 Arnold se console avec Alan (Firmin David), un jeune beau mec qui pose comme mannequin. « Ils font un beau couple » dit Laurel. Cinq mois plus tard, Ed jaloux, tente au cours d’un week-end, de désunir les deux amants. En vain.

Mais cinq ans plus tard, il divorce… Alan est mort, massacré par une bande d’homophobes. Arnold vit comme « une veuve italienne », et s’occupe de David (Thomas Maurion), que l’équivalent de la DASS a retiré aux géniteurs. C’est à ce moment-là que commence le troisième volet de la trilogie et qu’entre en scène une Mamma grandiose (Rosine Cadoret), comme les auteurs juifs ou italiens savent les peindre. Tyrannique et tendre, instinctive, têtue, colérique, mais amadouée par tout ce qui ressemble à un sentiment généreux, elle fond littéralement devant la jeunesse du fils adopté, petite grande gueule qui cherche à être aimé.

On le voit c’est une histoire d’amours. Amour de mecs, amour de mère, amour filial.  Arnold ne veut pas qu’on ait honte de lui. Il creuse la plaie jusqu’à l’os, pour retirer toute sanie de la blessure. Il interpelle ceux qui lui refusent le droit d’être ce qu’il est. Christian Bordeleau qui avait déjà dans Les Anciennes odeurs,  brossé toutes les nuances du désamour, réussit avec cette trilogie a émouvoir autant les homos que les hétéros. Il faut dire que les acteurs, tous, sont superbes, et que nous sommes affamés de tendresse. Ah! oui, qu'on nous parle d'amour, qu'on nous redise des choses tendres !

Le décor des deux premières séquences est succinct : à jardin, un miroir de loge, un tabouret, qui disparaissent quand arrivent les canapés, rouge vif, identiques dans leur forme et dans les couvertures qui les habillent. Les tableaux s’enchaînent en fondu sur la musique d’Etienne Lemoine. Au dernier acte, la cuisine-living colorée de rouges et de rose, le canapé, le buffet, les différents accessoires, les photos, tout concourt à donner l’idée d’une stabilité, d’un engagement.

Car Arnold, qui sait que « dans un couple, il y en a un qui aime plus que l’autre », a toujours été « celui-là », et à force de porter cet amour, l’a insufflé à tous. Un bel exemple !

Torch song trilogy de Harvey Fiersten

Vingtième théâtre

Du 3 novembre au 31 décembre

01 43 66 01 13  

 

13:35 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer