Le fil rouge d’Yvette à Sigmund (19/11/2006)

 

Incroyable ! On aurait pu penser que Sigmund Freud comme tous ses confrères médecins, se pâmait à l’opéra, et quant à choisir une Reine de la nuit, préférait celle de Mozart à  Yvette Guilbert. Eh bien, non, Sigmund Freud était l'admirateur d’une chanteuse de beuglant… Il paraît qu’il voulait étudier son art comme objet psychanalytique. Où la science va-t-elle s’immiscer ?

Certes,  Yvette est la reine du lapsus : « émission » pour « érection », du jeu de mots : « des accords et désaccord », de la blague grivoise « s’allonger sur le divan », mais de là à rapprocher : « Dieu que c’est beau, la tour Eiffel » de Totem et Tabou, l’Ecole Psychanalytique risque de se voiler la face.

Et pourtant, Hélène Delavault apporte des preuves : la correspondance du Maître et de la chanteuse, les écrits des deux, les chansons qu’elle relie d’un fil (rouge, bien entendu) tiré par un pianiste amoureux. Hélène Delavault est Yvette, mais Jean-Pierre Drouet n’est pas Sigmund, il reste le complice, l’accompagnateur un peu souffre-douleur car la diva est aussi tyrannique, injuste, narcissique. Mais quel talent pour dire ces choses de la chair et de la vie qu’il faut entendre au deuxième ou dixième degré !  Ainsi, de chansons en controverses, s’élabore une petite comédie finement troussée. Jean-Claude Durand apporte dans sa mise en scène la tiédeur d’un salon bourgeois exempt de drame. Sylvette Dequest a copié la robe dans laquelle Toulouse Lautrec l’a immortalisée, et quand elle enfile ses longs gants noirs, le charme opère. 

 « Ah ! quel plaisir /Quand on vous aime comme ça », chantait Yvette Guilbert. Et quelle fête pour le spectateur quand c’est la voix d’Hélène Delavault qui interprète cette chanson.  La cantatrice glisse également du Fauré dans ce récital en forme de comédie musicale. Ce n’était pas le répertoire d’Yvette Guilbert ? Ambassadrice de la chanson française, Yvette le fut autant que l’est Hélène. Et comme le spectateur est heureux de savourer les textes coquins, des mélodies mutines et des complaintes nostalgiques ! On devrait y penser plus souvent…

 

 

 

 

 

 

Yvette et Sigmund ou Les Gants noirs de la psychanalyse d’Hélène Delavault

14 novembre- 23 décembre

Théâtre du Rond-Point

 01 44 95 98 21

12:30 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer