Goldoni revient de guerre (30/11/2006)

La Compagnie de Quat’sous adore l’Italie. Pour sa naissance elle avait créé Le Campiello et après L’Oiseau vert de Gozzi (2003) Henri Dalem, le metteur en scène, avait adapté Calvino, puis, cette année, après un spectacle inspiré des Mémoires de Goldoni pour la semaine italienne du xiiie arrondissement, il présente une pièce de Goldoni inconnue en France, La Guerre. Et nous lui sommes reconnaissants de nous avoir fait découvrir ce texte, traduit par Marie-France Sidet.

Dona Florida (Clémentine Pons) sortait du couvent pour retrouver son père, Don Egidio (Laurent Labruyère) gouverneur de quelque place forte. Elle a été arrêtée par la guerre et l’armée qui assiégeait son père. Prisonnière du camp ennemi, elle tombe amoureuse de Don Faustino (Raphaël Grillo), un jeune chevalier qui  s’est « disposé à tous les dangers », sauf celui d’être épris de la fille unique de l’adversaire. Les voilà tous deux en situation cornélienne. Entre l’Honneur et l’Amour, Florida serait-elle une nouvelle Chimène,  puisque Faustino doit donner l’assaut contre la ville que défend Egidio, une nouvelle Camille puisqu’elle se fiance à l’adversaire de sa patrie ? Mais Faustino n’est pas Curiace, Don Egidio n’est pas Don Diègue et Goldoni n’est pas espagnol. Nous resterons dans la comédie, et le mariage cum manu sera béni par le pater familias.

Cependant, loin de « la guerre en dentelles », ou des pièces héroïques, dans La guerre, Goldoni préfigure Brecht. Il peint en effet dans un contraste saisissant « ceux qui voient leurs terres dévastées », leurs récoltes saccagées comme Lisetta (Paméla Ravassard),  des familles décimées, des soldats affamés qui pillent, des jeunes hommes mutilés comme Don Cirillo (Cyril Manetta)  et ceux qui font des bénéfices, comme Le commissaire (Sébastien Libessart), Orsolina (Karina Testa) qui s’enrichissent. Il montre les hommes avides de gloire Don Claudio (Renaud Garnier-Fourniguet), Don Polidoro (Jean-François Kopf), Don Fabio, Don Ferdinando. Tous un peu matamores, ils scandent « bella vita militar » en chœur, crient  « à l’assaut ! » ou « courons au danger ! » dans un asservissement consenti, puisque le général est là « pour penser », et que les subalternes n’ont « qu’à obéir ». Et les femmes ? En face de l’adorable Florida, rôdent la cupide Orsolina sans scrupules, et Aspasia (Paméla Ravassard) élevée cyniquement par un père profiteur de guerres, qui s’accommode des aventures sans lendemain, quoique… L’âge, peut-être, lui conseille de prendre un mari..

La comédie est forte, elle touche à des sujets graves, les personnages ont tous des caractères fort bien dessinés.

D’où vient alors, que les comédiens aient l’air de ne pas croire à ce qu’ils jouent ? La distanciation voulue par le metteur en scène qui nous amuse d’anachronismes bon enfant, n’implique pas la désinvolture. Au contraire ! Le manque de moyens ? Certes, interpréter plus de quinze rôles à neuf comédiens demande de l’astuce, et ils en ont, ne serait-ce que pour imaginer le décor (Céline Diez). Il leur faudrait aussi plus de sincérité.

La Guerre de Carlo Goldoni

 Du 23 novembre 2006 au 13 janvier 2007

Théâtre Mouffetard

01 43 31 11 99

15:45 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer