Scène ouverte, projet d’avenir (20/12/2006)
Depuis qu’il est directeur de la Comédie de Reims, Emmanuel Demarcy-Mota a imaginé ces « scènes ouvertes », où le public rencontre des auteurs et des comédiens sur des projets, lectures ou écritures dont les formes ne sont pas encore dramatiques, mais que la magie de la scène transmute en spectacles.
Emmanuel Demarcy-Mota travaille avec la même équipe depuis plus de dix ans, et c’est avec émotion qu’on retrouve certains des comédiens de Léonce et Léna (1996). D’autres ont pris leur envol vers la grande institution, comme Elsa Lepoivre, pour la Comédie-Française, d’autres reviennent au gré des contrats, tous, aux côtés de nouveaux, forment « le collectif artistique de la Comédie », un corps d’élite pour transmettre de grands textes.
La Ballade de Don Quichotte est un pari fabuleux. André Velter est un poète. De sa rencontre avec Bartabas et autour de l’aventure du Zingaro, étaient nés des textes magnifiques. Bartabas doutait que cheval et poésie puissent s’accorder. André Velter, citant Ossip Mandelstam, et convoquant Miguel de Cervantès, réinvente le personnage de Don Quichotte, un hidalgo hors des modes, des normes, des temps et des espaces. Un mythe, celui du chevalier errant colle à l’image du centaure rêvé par Bartabas.
Mais, « s’il nous reste un cheval pour dompter nos fatigues et nos peines, où sont nos chevaleries ? » Aujourd’hui, il n’ y a plus guère « d’héroïsme bienfaisant », ni de « grandeur désintéressée ». Sylvain Tesson dans ses voyages rapporte que celui qui arrive à cheval n’est plus « un étranger », mais « un cavalier ». On peut lui accorder sa confiance. Et autour de lui, surgi des rêves anciens, le metteur en scène change le réel.
Huit comédiens et un chanteur se partagent le texte en chorale, autour de Bartabas, superbe statue animée du maître avec ses chevaux (Soutine ou Horizonte) dont Jean-Pierre Drouet, rythme l’amble. Le musicien bruiteur aux allures de Sancho Pança, se moque du « bouffon qui va à pied », cet homme moderne « qui porte un fêlé », le poids de ses ambitions et de sa vanité. Yves Collet joue avec des lumières latérales sur les groupes, et avec un projecteur central pour des contre-jours mystérieux et bouleversants. Un seul décor au fond, une tapisserie aux tons ocre rouge et brun, comme frangée d’usure, donne les notes de couleurs qui s’harmonisent avec les caftans colorés du cavalier.
Au sol, sur la scène, s’étale un sable brun, dans lequel les bipèdes peinent à marcher. Cette terre primale chère au metteur en scène, (dont déjà, au lycée Claude Monet, pour sa première mise en scène, il avait fait charrier une tonne), est-elle là encore pour nous dire que tout retourne à la terre ? Avant cette échéance, elle parle du plaisir de créer même en remuant ciel et terre…
Et notre seul souhait est qu’elle porte ce projet jusqu’à la réalisation, afin que d’autres théâtres l’accueillent et que vous puissiez jouir de ce plaisir de l’intelligence et de la beauté.
La Ballade de Don Quichotte
texte d'André Velter avec des emprunts à Miguel de Cervantès
Scène ouverte du 18 décembre à la comédie de Reims
10:00 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer