Un Ranelagh romantique (19/09/2007)

Aimez-vous Musset ? Oui, sûrement, vous connaissez la mélancolie masquée de cynisme de ses personnages, la délicate musique de son âme douloureuse, son humour un peu grinçant.

Vous allez le retrouver tel qu’en lui-même dans deux des spectacles que propose Stéphanie Tesson : Histoire d’un merle blanc, adapté du conte éponyme, qu’elle interprète elle-même. Dans le parcours initiatique du jeune merle rejeté par les siens, trahi dans ses amours, affamé de reconnaissance, Stéphanie Tesson passe d’une lumière tragique à un humour désenchanté. Exceptionnelle… comme le merle blanc !

Musset, vous le trouverez aussi dans Fantasio où le rôle titre est dévolu à Nicolas Vaude. Et, pour faire bonne mesure, dans le foyer du théâtre, vous entendrez, en contrepoint, Tout à vous, George Sand, des lettres de George Sand accompagnées des musiques de Mendelssohn, Schumann, Liszt, et Chopin… Autant dire que la rentrée, est, cette année romantique en diable…

Et c’est tant mieux ! Car une cure de Musset vous entraîne inévitablement vers  la « démystification du sérieux » (Max Milner). Injouable au XIXe siècle, parce qu’il ne respectait ni les codes du théâtre de son époque, ni les conventions sociales, le théâtre de Musset s’épanouit en liberté sur nos scènes.

Multiplicité des décors ? Stéphanie Tesson résout le casse-tête du metteur en scène en créant  un lieu neutre, une placette  entre ville et palais, où s’enracine un chêne sec, cousin de l’arbre d’En attendant Godot (décor d’Olivier Balais). Entre ses racines tourmentées, Fantasio (Nicolas Vaude) y dort, et la princesse Elsbeth (Sarah Capony) y essuie furtivement ses larmes. Et, de même que « la dimension d’un palais ou d’une chambre ne fait pas l’homme plus ou moins libre », l’importance d’un décor ne vaut pas le talent des comédiens.

Nombreux personnages ? Les comédiens se dédoublent adroitement interprétant plusieurs rôles secondaires (Mathias Maréchal, Sébastien Pépin). Évident, puisque les déguisements masquent les vraies identités. Le Prince de Mantoue (Frédéric Longbois) est aussi fantoche que son aide de camp (Maxime Lombard). Le Roi débonnaire (Jean-Michel Kindt), -  qui sait bien que « la politique est une fine toile d’araignée dans laquelle se débattent bien des pauvres mouches mutilées » et refuse de sacrifier sa fille à la raison d’État, - agit comme la Gouvernante romanesque qu’il incarne aussi remarquablement.

Et, grâce à un complice, Spak (Olivier Foubert) poète qui ressemble à Musset comme un frère,  ledit Fantasio n’endosse-t-il pas, l’identité du bouffon de cour, Saint-Jean, « véritable Triboulet », plus insolent, moins douloureux que le modèle hugolien ? b39d9c76cd58c96ee5c86e82cbd7e0e7.jpg

Un rôle fait pour l’impertinent Nicolas Vaude qui joue à merveille l’enfant du siècle : un jeune homme désabusé qui plaint la jeune princesse d’épouser « à son corps défendant un animal immonde », mais un être si nostalgique de la gloire impériale qu’il préfère la guerre à une paix de compromission. La princesse sera sauvée d’une union monstrueuse, et donc l’innocence préservée du Mal, du moins, le temps d'une bataille...

Dans cette Bavière rêvée par Musset (1834), il y a du Büchner de Léonce et Léna (1836). Dans la mise en scène de Stéphanie Tesson brillent les vertus d’un art maîtrisé puisqu’il respecte un texte irrespectueux.

Si « un calembour console de biens des chagrins », avec cette soirée Musset, vous oublierez les vôtres…

Histoire d’un merle blanc

à19 h  du Mardi au Vendredi

Tout à vous, George Sand,

le samedi à 19 h

le dimanche à 15 h

le mercredi et le samedi à 17 h

 

Fantasio

à 21 h

Théâtre du Ranelagh

Depuis le 8 septembre

01 42 88 64 44

13:45 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Culture, littérature, poésie, théâtre |  Facebook | |  Imprimer