L'attente selon Jean-Marie Besset (06/09/2010)

 

 

Ils attendent. « La vie est un examen », et, mal assis sur les tabourets inconfortables, dans les couloirs du ministère où chacun est convoqué pour expliquer son projet, Lebret (Jean-Pierre Leroux) et Philippe Derrien (Adrien Melin), espèrent… Car c’est ainsi l’attente. L’espagnol confond en un seul mot : esperar, cette vacuité entre deux actions, deux situations, Jean-Marie Besset ajoute, entre deux amours.mail 2.jpg

Philippe est marié à Nathalie (Blanche Leleu), et depuis cinq ans ils forment un couple apparemment sans histoires. Il concourt aujourd’hui pour un de ces projets pharaoniques dont les ministères ont le secret : « construire le premier monument sur la lune ». Mais dans les couloirs du ministère, Philippe retrouve Jason (Jonathan Max-Bernard), un ami d’enfance. Et sa vie va basculer.

Dans le huis clos du ministère, les ambitions s’affrontent, sous le regard glacé de l’Huissier (Niels Adjiman) impavide, tandis que Louise Erkanter (Virginie Pradal), qui tient plus de la mante religieuse que du haut fonctionnaire s’efforce de tirer encore les ficelles de ceux qui ne veulent plus être ses marionnettes. Dans le feutré de l’appartement de Nils (Arnaud Denis), l’ami de Jason, les appétits sont plus charnels.

Arnaud Denis dirige ses comédiens avec finesse. Pas de caricature, un extrême doigté, beaucoup de pudeur. Il a mis en place un décor unique transformable (signé Édouard Laug). Les comédiens eux-mêmes aident à changer les accessoires, dans une pénombre crépusculaire (Lumières Laurent Béal). Les silhouettes s’y meuvent comme dans ces nuits où le rêveur a conscience qu’il cherche quelqu’un ou quelque chose sans savoir qui ou quoi.

mail.jpgJason déclare d’emblée qu’il va mourir. Comme il est dit que « dans son état, tout est grave », le mot « sida », n’a pas besoin d’être prononcé. Philippe et lui se sont aimés, naguère. Les amours adolescentes marquent les âmes à jamais. L’auteur, dans un récent Perthus en peignait les émois et les ravages. Dans Ce qui arrive et ce qu’on attend, une de ses premières pièces, tout l’univers bessetien est déjà construit, avec ses arcanes, ses fulgurances, son désespoir. Ses personnages sont jeunes, pleins d’avenir et se heurtent aux pesanteurs des sociétés closes. Leur sincérité ressemble à l’innocence et « la vie est plus tragique qu’on ne l’avait imaginée. »

Mais peut-être ne faut-il pas "aller chercher ce qu'on fait dans la lune/ et vous mêler un peu de ce qu'on fait chez vous" aurait dit Molière. Peut-être suffit-il d’attendre ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qui arrive et ce qu’on attend de Jean-Marie Besset

Vingtième Théâtre

Du mercredi au samedi à 19 h 30

Dimanche à 15 h

01 43 66 01 13

11:41 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : théâtre, culture, littérature, besset |  Facebook | |  Imprimer