Égaux dans la férocité (21/05/2011)
Comme ils sont actuels ces hommes de Pouvoir : César, Brutus, Antoine, Octave ! On jurerait qu’ils sont nos contemporains dans cette fresque où l’auteur, Jean-Marie Piemme, s’inspire de Shakespeare. Au bal des ambitieux, les hommes politiques son « égaux dans la férocité », et n’hésitent ni à trahir, ni à tuer. Dans Le Sang des amis, il coule beaucoup de sang, mais il n’y a plus d’amis. Rien que des rivaux qu’il faut abattre pour gagner l’autorité suprême et la garder.
Huit comédiens interprètent plus de vingt rôles, c’est dire qu’ils mouillent la chemise ! Le metteur en scène, Jean Boillot, a fait ses classes chez Lev Dodine. Il y a appris la polyphonie des jeux et des récits. Il joue aussi avec talent, le chroniqueur juché dans une cabine vitrée, diffusant et commentant « l’information ».
Roland Gervet compose un Antoine très physique, pour donner chair à l’homme d’action, dont la parole habile retourne les foules. Philippe Lardaud prête à César une dimension populiste, puis en Octave, il devient une bête administrative. Julie Pouillon (Portia, Octavie), Isabelle Ronayette (Calpurnia, Cléopâtre), Assane Timbo (Brutus, Lépide, conseiller de Cléopâtre) assument leurs rôles avec rigueur. Mais les plus étonnants sont sans nul doute : Magali Montoya et Laurent Conoir. Dévolus aux seconds couteaux, ils passent avec aisance du registre tragique au rituel comique des clowns shakespeariens, ici déguisés en vétérans balourds, jugeant les événements à l’aune d’un « bon sens » un peu faisandé.
L’action fonctionne sur le « flash back », les costumes sont contemporains. Vêtus de complets noirs stricts au départ, chacun portera un élément de costume, militaire ou civil au cours de l’action. Le panneau du fond cache de grands tiroirs qui serviront de lits, comme à la morgue. Et sur les tables roulantes de la cantine, arrivent les maquettes de Rome, et des batailles stratégiques. La bande son aidant, le spectateur revit les batailles de Philippes et d’Actium. Il est d’ailleurs inclus dans les débats, les candidats « imperator » n’hésitent pas à aller lui serrer la main. Chaque séquence est qualifiée d’un mot que le chroniqueur inscrit sur une vitre : « Aveuglément », « Absolu », « Amour », « Accomplissement », dont le sens nous échappe un peu, et nous distrait beaucoup.
C’est un spectacle total, passionnant, riche en pensées philosophiques, mais difficile à soutenir pendant plus de deux heures. Une représentation plus resserrée gagnerait peut-être en intensité.
Photos : Virginia Castro
Le Sang des amis de Jean-Marie Piemme
Théâtre de l’Aquarium
Jusqu’au 29 mai à 20 h 30
01 43 74 99 61
17:24 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer