« Mésentente parfaite » (05/10/2011)

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Ils avaient théâtralisé leurs débats, et le dimanche soir, nous écoutions Georges Charensol et Jean-Louis Bory au Masque et la Plume pour jubiler de leurs affrontements. Les querelles argumentées sont toujours tellement plus intéressantes que les plates louanges ! L’un commençait toujours par s’opposer à l’autre, et les joutes auxquelles ils se livraient suscitaient le désir d’aller vérifier la sincérité de leurs critiques. On allait au cinéma pour donner raison à Bory et tort à Charensol, ou l’inverse. Mais on avait envie d’aller au cinéma…

François Morel a eu l’idée de faire incarner ces journalistes passionnés et passionnants, par Olivier Broche (Bory) et Olivier Saladin (Charensol). Je ne connaissais que leurs voix, mais ils avaient « tout à fait la tête de Bory », et « le profil de Charensol », m’ont dit ceux qui les ont croisés à Cannes. Déjà physiquement à l’aise avec leurs personnages, les comédiens pouvaient interpréter leurs rôles avec brio. Et c’est un bonheur…

François Morel a effacé les autres intervenants du Masque et n’a gardé que les duettistes à la « mésentente parfaite ». Il les situe dans une salle de projection un peu désuète, où les deux rangées de fauteuils, incomplètes, sont séparées par un large tapis rouge. théâtre,cinéma,théâtre 71Cette frontière aisément franchissable, devient espace scénique de dispute et de réconciliation, tandis qu’au fond, la cabine de projection peut se transformer en castelet de guignol (décor d’Édouard Laug). Il a imaginé une sorte d’Ariel, esprit ludique et bienfaisant. Lucrèce Sassella au piano, tout de rouge vêtue, module et chante la « météo marine » qui précède l’émission. Elle fera le lien entre chaque séquence, où ils dissèquent un film. Elle entraîne les deux protagonistes dans des chorégraphies fantaisistes et même les tance quand ils vont trop loin : « On le fera plus, Madame », diront-ils penauds comme des enfants.

Car c’est un jeu entre eux, un duo plus qu’un duel. Ils « traquaient les engouements de la mode », dira d’eux Bertrand Poirot-Delpech qui succéda à François-Régis Bastide pour diriger l’émission.

théâtre,cinéma,théâtre 71Quand l’un est agressif, l’autre est goguenard. Quand l’un est méprisant, l’autre est généreux. Mais ils sont d’accord sur l’essentiel : le cinéma est un art qu’ils défendent avec force. Et, pour Les Parapluies du Cherbourg, lorsque l’un dit : « c’est de la guimauve ! », l’autre dit : »c’est de la romance », que le piano attaque la mélodie, les voilà « dans le film », mimant la scène d’adieu, et s’éloignant sous un parapluie (lumière de Gaëlle Malglaive). Et lorsque Bory décrit la scène finale de Cris et Chuchotements, Charensol se tait, saisi, lui aussi par la même émotion...

Quel plus bel hommage pouvait-on rendre à ces deux amoureux du cinéma ?

 

 

 Photos : Manuelle Toussaint

Instants critiques de François Morel d’après les échanges de Georges Charensol et Jean-Louis Bory au Masque et la Plume

 

Théâtre 71 à Malakoff

 

01 55 48 91 00

 

www.theatre71.com

 

Jusqu’au 23 octobre

 

 

 

puis en tournée :

 Montpellier (Théâtre Jean Vilar) : 3 et 4 novembre,

puis Feignies, Cognac, Arcachon, Divonne-les-Bains, Villefontaine, Bourges, Vendôme, Ermont, Martigues, Saint-Etienne du Rouveray, Cébazat, Besançon, Gradignan, Saintes, Les Sables d'Olonne, Deauville, Canteleu, Vienne, Beauvais, Albi, Quimper, Cesson-Sévigné, Tarbes

 

19:57 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, cinéma, théâtre 71 |  Facebook | |  Imprimer