La plus innocente (28/11/2011)

 

 Depuis bientôt trois cent cinquante ans, on croyait avoir tout dit sur L’École des femmes de Molière. Et pourtant, chaque mise en scène nouvelle révèle un trait de caractère, éclaire d’un jour nouveau les rapports d’Arnolphe et d’Agnès, la naïveté de l’une, les ruses de l’autre…

 Pour peindre l’isolement dans lequel est confinée la jeune Agnès, Jacques Lassalle qui met en scène, est revenu simplement à l’étymologie du mot : isola, « séparé de toute chose comme une île l’est de la terre ». La demeure où Arnolphe cloître sa pupille et future épouse, est bâtie sur un îlot, relié à la ville par un bac à traille comme on en voit encore en Saintonge (scénographie de Géraldine Allier).

 Au premier acte, Arnolphe (Thierry Hancisse) en tenue de voyage, entre côté public, la valise à la main. Il rencontre Chrysalde (Gilles David) et les amis discourent sur une placette déserte, ouverte sur la perspective d’une rue.  Les demeures à terrasses protégées de pergolas, sont closes de hauts murs sur des jardins, méditerranéens, si l’on en juge par les houppiers de palmiers qui en dépassent. On connaît l’obsession d’Arnolphe, sa crainte d’être cocu qui lui fait préférer une femme d’une « ignorance extrême », malgré les risques qu’il y a à « épouser une bête ». Et l’on sait que malgré toutes les précautions qu’il a prises, le jeune Horace (Jérémy Lopez) a déjà bouleversé ses plans, et que « la plus innocente» a désobéi sans le savoir...

  Au deuxième acte, contrechamp, c’est l’île et son enfermement… Seule parmi tous les protagonistes, Agnès ne peut circuler librement. Surveillée par deux benêts de domestiques, Georgette (Céline Samie) et Alain (Pierre-Louis Calixte), elle ne peut voir personne, même quand elle est « sur le balcon à travailler au frais ».

 On peut  se demander alors comment le jeune Horace a pu l’apercevoir « en passant sous les arbres d’auprès » ! Mais ne soyons pas trop naturalistes, le symbole est trop beau ! Sous les lumières de Franck Thévenon, les couchers de soleil subliment la lagune, et la lune se voile opportunément pour  cacher la fuite des amants aux yeux du barbon…

Les pères nobles, Oronte (Simon Eine) et Enrique (Yves Gasc) arriveront à temps pour sauver Agnès du couvent et Horace du désespoir.

 

Mais plaindrons-nous Arnolphe ? Malgré tous les efforts de son interprète, on se dit qu'il a bien mérité de finir... isolé.


L’École des femmes de Molière

Comédie-Française, salle Richelieu

jusqu'au 6 janvier

0 825 10 680




 

 

 

 

 

 

 

 

 

14:22 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, comédie-française, molière, lassalle |  Facebook | |  Imprimer