À propos de Phèdre, dialogue. (08/03/2013)

 

 

Phèdre, Racine, Comédie-FrançaiseIls sortaient de la Comédie-Française et devisaient en attendant l'autobus... 

-       -  Vous semblez bien pensif en sortant du théâtre…

-    - C’est que, cher ami, je me pose des questions. Et, j’aurais besoin qu’un racinien tel que vous éclairât ma lanterne.

-        - On ne dit pas une lanterne, on dit une « servante ».

-        Je sais. Mais il s’agit de la mienne lanterne. Mon entendement si vous préférez…

-       Ne me dites pas que Phèdre a pour vous des mystères après toutes celles que nous avons vues ensemble !

-         Des mystères, non… Mais celle de ce soir me pose des interrogations.

-        Vraiment ? Allons, pourtant le décor était fort éclairant, conforme à l’espace racinien, avec à jardin les couloirs du palais, à cour, les espaces clos du Pouvoir, et au lointain, la mer, espace de fuite et de danger.

-        Oui, c’était évident. J’y ai d’ailleurs retrouvé l’implantation de l’Électre de Sophocle mise en scène par  Vitez. Avec ce lit dont la tête s’appuie perpendiculairement sur le fond du décor, cette découverte sur la mer, cette chambre aux grandes fenêtres donnant sur la terrasse et le port, ces persiennes qu’on ouvre et qu’on ferme, et même ce poste de radio, reliant le palais à la cité, comme un « chœur » moderne.

-        Il faut l’interpréter comme un hommage au maître.

-        Bien entendu… Mais tout de même, les costumes !

-   Ne me dites pas que les costumes contemporains vous ont choqué ! Nous avons l’habitude…

-       Certes… Mais si Hippolyte et Théramène portent le trench-coat de Flic ou Voyou, pourquoi Phèdre et Oenone sont-elles en robes longues atemporelles ?

-        Pour bien montrer qu’elles sont étrangères.

-        Ah ! oui, je n’y avais pas pensé. Mais alors pourquoi Aricie est-elle en pantalon ?

-        Mais Aricie n’est pas une étrangère, elle est athénienne, de la famille des Pallantides, son père a perdu le pouvoir, c’est tout…

-        Question de politique ?

-        Surtout querelles de famille, entre Pallas, et son frère, Egée, le père de Thésée…

-        Je comprends mieux. Mais encore… pourquoi sont-ils tous en beige, brun, gris, couleurs ternes ? Pour peindre la passion, il faut du rouge quelque part…

-        Vous, vous pensez encore aux somptueux costumes de Lacroix, dans la mise en scène d’Anne Delbée ?

-        C’était si beau !

-        Vous avez quelquefois des réactions de midinette !

-        Eh bien, oui ! Mais ne me dites-vous pas toujours que le costume fait le personnage ?

-   Naturellement… D’ailleurs rappelez-vous Strehler qui exigeait de ses comédiens qu’ils soient en costumes et maquillés dès les premières répétitions… Mais nous nous égarons… Aviez-vous d’autres questions ?

-        Oui. Mais sur des détails.

-        Il n’y a pas de « détails ». Au théâtre, « tout fait signe ».

-     Justement, je ne saisis pas bien cette présence du micro où les personnages viennent chuchoter.

-    Les confidences, cher ami, on souligne la convention des secrets, des aveux qu’on révèle…

-    Et pourquoi Théramène a-t-il besoin du micro, pour son récit ? À ce moment-là il s’agit d’informer tout le monde de la mort d’Hippolyte ! Et pourquoi reste-t-il immobile après son long récit ?

-        Mais voyons, il est pétrifié d’horreur, sidéré, statufié… C’est normal après la terreur que le monstre lui a inspirée et son chagrin de la mort du jeune homme qu’il a élevé comme un père.

-        C’est donc pour ça  que Thésée aussi est cloué sur sa chaise ?

-        Inévitablement ! Comment ne pas être anéanti ?

-        Et pourquoi Panope se sert-elle à manger avant de délivrer son message à l’acte I ?

-        C’est une servante, elle a de bas instincts, elle voit la table mise, elle a faim, elle mange, et ça la rassure, parce que apporter « une triste nouvelle », n’est pas de tout repos.

-       Je comprends… Mais pourquoi ajoute-t-elle aussi des didascalies : « Là, Oenone dit », etc.

-        Pour distancier le tragique.

-        Et cette pluie qui tombe à la fin ?

-        Il faut laver le sang, effacer les fautes, c’est une métaphore…

-        Je n’y avais pas pensé. Ah ! Cher ami, heureusement que vous êtes là pour m’expliquer !

 

Photo :© Brigitte Enguérand 

 

 

Phèdre  de Racine

Mise en scène de Michael Marmarinos

Comédie-Française

Du 2 mars au 26 juin

0 825 10 1680


 

Cécile Brune : Panope, femme de la suite de Phèdre

Éric Génovèse : Théramène, gouverneur d’Hippolyte

Clotilde de Bayser : Œnone, nourrice et confidente de Phèdre

Elsa Lepoivre : Phèdre, femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé

Pierre Niney : Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope, reine des Amazones (en alternance)

Jennifer Decker : Aricie, princesse du sang royal d’Athènes

Samuel Labarthe : Thésée, fils d’Egée, roi d’Athènes

Benjamin Lavernhe : Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope, reine des Amazones (en alternance)

 

12:31 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : phèdre, racine, comédie-française |  Facebook | |  Imprimer