Petit théâtre, grande programmation (17/04/2013)
Diderot se bagarre
Diderot aurait eu 300 ans cette année, et lui qui écrivait « Lorsque le prêtre favorise une innovation, elle est mauvaise : lorsqu’il s’y oppose, elle est bonne. », n’aurait-il pas pensé que la lutte contre les fanatismes religieux est un éternel combat ?
Pour Régis de Martrin-Donos et Muriel Brot qui adaptent le la correspondance de Denis Diderot, il semble bien que « la bagarre » continue. Diderot bagarre est le titre de l’essai dialogué, qui se donne au Poche-Montparnasse, et vient du Théâtre des Treize Vents de Montpellier.
Pour la publication de sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, Diderot (Jean-Baptiste Marcenac)vient d’être emprisonné à Vincennes (juillet 1749) et vit très mal son incarcération avant de la mettre à profit pour rédiger la Lettre sur les sourds et muets à l’usage de ceux qui entendent, ouvrage qu’il publiera en 1851, mais anonymement. Pour l’instant, il supplie au nom de la liberté et s’endort… Il est réveillé par un jeune homme qui porte cette lampe qu’on appelle au théâtre : « une servante ».
Régis de Martrin-Donos, qui met en scène, a conçu le spectacle avec un personnage que Diderot ne connaissait pas : « Ainsi l’Éclairagiste viendra éclairer, au sens figuré comme au sens propre, le spectacle. » Trois siècles les séparent et le jeune homme va poser des questions, argumenter à charge afin de permettre au philosophe de s’expliquer et démontrer au public la pertinence des luttes du « siècle des lumières. »
L’échange se passe dans un quadrilatère rouge comme la passion. Deux tabourets le meublent. Et des accessoires modernes : cassette, ampoules, projecteurs, câbles apprennent à Diderot les progrès techniques et le piétinement des idées. Diderot porte une redingote sobre de lin bleu de Prusse, le jeune homme un blouson de jean (costumes Marie Delphin). Les lumières de Frédéric Bellet, et la bande son de Serge Monségu ponctuent les événements qui marquent la vie de Diderot : 1753 (première interdiction de la censure contre l’Encyclopédie) 1759 (Mort du père de Diderot), 1760 et 1762 (avec Sophie Volland), 1770 (Brouille avec Rousseau), 1772 (Mariage de sa fille Angélique). Les spectateurs qui entourent le ring assistent, amusés à un vrai match.
Le débat est vivant, ironique, passionné. Tel qu’en lui-même était Diderot.
Et Horovitz aussi…
Après le combat des idées, en deuxième partie de soirée, la compagnie des Aléas présente la violence de nos sociétés avec Le Premier d’Israël Horovitz, une pièce qui mêle l’absurde, le grotesque et le tragique. Nos sociétés sont violentes et Horovitz montre des humains prêts à tout pour être « le premier ». Ici, on ne réfléchit pas, on cogne.
Nous ne saurons jamais pour quel événement Fleming (Pierre-Edouard Bellanca) a passé la nuit dans un sac de couchage, à même le bitume afin d’être le premier, pourquoi Stephen (Simon Fraud) veut cette place, pourquoi Dolan (Pierre Khorsand) essaie de lui chiper, ni pourquoi Arnall (Arnaud Perron), laisse sa femme Molly (Nathalie Bernas ou Léa Marie-Saint Germain) séduire et écarter tous ces mâles de la première place. Une ligne blanche est collée au sol, l’enjeu primordial de tous est de la franchir en premier, comme si leur vie en dépendait.
Les conflits se déchaînent, les vanités s’enflent. Ils sont prêts à tuer.
Israël Horovitz raconte dans ses Mémoires (Un New-Yorkais à Paris*) que sa pièce, Le Premier, fut créée en 1973, au Poche où elle fut jouée pendant onze ans. « Et ma pièce et moi nous sommes devenus très vite connus en France. Enfin, le théâtre avait beau être grand comme un mouchoir de poche, très vite j’ai gagné assez d’argent pour pouvoir me permettre ce qui allait devenir un aller-retour quasi permanent entre New York et Paris [...]. Après le Théâtre de Poche-Montparnasse, des dizaines et des dizaines de reprises de Le Premier ont eu lieu à Paris, dont les plus inoubliables, celle de la compagnie Hercub, qui l’a joué plus de cinq cents fois »
À cette liste, Israël Horovitz peut ajouter le nom de la Compagnie des Aléas, elle est des plus « frappantes » et on se souviendra d’elle.
*Extrait des Mémoires d’Israël Horovitz Un new-yorkais à Paris d’Israël Horovitz, traduit de l’américain par Cécile Dutheil de la Rochère (Grasset, 2012)
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Diderot bagarre d’après la correspondance de Denis Diderot,
Adaptation de Régis de Martrin-Donos et Muriel Brot
Poche-Montparnasse du 26 mars au 26 mai à 19 h 30
Le Premier d’Israël Horovitz à 21 h 30
du 28 mars au 11 mai
Théâtre de poche-Montparnasse
01 45 44 50 21
formule d’abonnement
et toujours, dans la grande salle : Inventaires de Philippe Minyana à 19 h
Le Mal court de Jacques Audiberti à 21 h
www.theatredepoche-montparnasse.com
18:38 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du poche-montparnasse, diderot, israël horovitz | Facebook | | Imprimer