Un voyage sans retour ? (18/04/2013)

 

 

 

Ils sont de milliers à quitter leur pays, parce qu’il n’y a plus de place pour eux, pas de travail, pas de liberté, pas d’espoir. Ils vont chercher ailleurs  le « pain quotidien que la terre leur refuse ». Leurs demandes de visa n’aboutissent pas. Leurs bagages leur sont volés, leurs vies sont mises en danger, mais qu’importe ! IIs partent. Aucune menace ne les touche, ils n’ont plus rien à perdre. Que la vie. Et souvent, ils la perdent.théâtre,cie hercub,akakpo

Les récits de ces réfugiés, de ces errants, avaient inspiré, en 2006, à Ariane Mnouchkine Le Dernier Caravansérail dont le sous-titre était Odyssées.

théâtre,cie hercub,akakpoGustave Akakpo reprend ce titre, inspiré de Homère, pour sa dernière pièce. Et, même si les migrants brûlent leurs papiers, nient leurs identités, leurs racines, « il ne s’agit pas d’une fuite vers l’inconnu », dit l’auteur. Ses protagonistes se choisissent des noms parmi ceux de l’Antiquité : « L’Europe a oublié ses héros, nous serons leur mémoire. Le bateau sera l’Odyssée. » Le capitaine ? Ulysse naturellement, un enfant que sa famille avait poussé vers la forêt, et qui, nouveau Petit Poucet, tente d’échapper à l’Ogre qui dévore l’Humanité.

Parmi eux, un blanc, un journaliste qui cherche sa sœur, et une blanche qui essaie de retrouver le compagnon que la police lui a arraché.théâtre,cie hercub,akakpo

Gustave Akakpo repousse les limites de la scène. Avec six panneaux translucides, quatre tables transformables, six comédiens (Michel Burstin, Ansoun Diedhiou, Lazare Minoungou, Sabine Pakora, Bruno Rochette, Sylvie Rolland) et un musicien (Max Vandervorst) qui bricole lui-même ses instruments à corde et à vent, nous voilà embarqués de l’Afrique vers l’Europe avec une centaine de personnages. La scénographie de Jack Percher permet un décor toujours en mouvement, une infinie composition (et décomposition) des éléments, éclairés par les lumières d’Alain Collet. Michel Burstin, qui met en scène, fait vivre des villages, des villes, des déserts, des routes avec des camions brinquebalants, des radeaux qui flottent et sombrent. Toute les peurs du monde frissonnent dans ce parcours. Pas un spectateur ne reste indifférent.

Pendant leur traversée, les migrants vont souffrir la faim, la soif.  Ils ne mourront pas tous, mais les survivants qui croisent une équipe de télé réalité en seront désespérés pour toujours. Ulysse n'intéresse pas le prime-time ! Il faut "du sang !"

Leur rêve s’obscurcit et sous les constellations d’étoiles, les plus forts reprendront la mer pour fuir l’Europe « aux anciens parapets » (Rimbaud) : voyage sans retour ? Ou naufrage annoncé ?

Ce « suicide mondial » est souvent « joyeux », mais le rire grince. Il reste bien des questions en suspens, comme ces vies entre mer et néant, ces humains, nos frères qu’on exploite.

Pour combien de temps encore ?

 

 

 photos © Angela Ferramosca

              © Yves Kerstins


Jusqu’au 20 avril

 

Odyssées de Gustave Akakpo

Mise en scène de Michel Burstin

Théâtre de l’Etoile du Nord

01 42 26 47 47

Mardi, mercredi, vendredi à 20 h 30, samedi à 17 h et 20 h 30

le jeudi à 19 h 30 la représentation est suivie d’un débat.

 

 

16:57 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, cie hercub, akakpo |  Facebook | |  Imprimer