Corneille, à table ! (18/11/2013)
Brigitte Jaques-Wajeman, qui poursuit « le cycle colonial » des pièces de Pierre Corneille, avec Pompée (1642) et Sophonisbe (1663), revient ainsi à ses premières amours puisque elle avait déjà mis en scène La Mort de Pompée en 1985, puis en 1992, et Sophonisbe en 1988.
Le jeune Corneille montrait une tendresse amusée pour les personnages féminins de La Place Royale, de l’admiration pour l’Infante du Cid, la Camille d’Horace, la Livie de Cinna. Dans Pompée et Sophonisbe, Cléopâtre (Marion Lambert), et Sophonisbe (Aurore Paris), prêtes à sacrifier leurs amants pour un trône semblent être de sacrées garces. Les Romains ne songent qu’à dominer et répriment toute velléité d’indépendance. « Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant » disait Tacite de ces conquérants. Chez Corneille, ils ravagent les cœurs et les consciences au nom de la raison d’état et de l’ordre romain. Plus de personnage exemplaire, rien que de l’orgueil, pas de vrai dilemme cornélien. Les profs de français vont être déçus.
Avec Pompée nous sommes en Égypte où vacille le pouvoir du jeune Ptolémée (Thibault Perrenoud) et de sa sœur Cléopâtre face à la puissance de Rome, l’ambition de César (Pascal Bekkar) et de Marc-Antoine (Anthony Audoux). Les égyptiens, Achilas (Yacine Aït Benhassi) et Photin (Marc Arnaud) se laissent manipuler par « l’infâme Septime » (Pierre-Stefan Montagnier). Cléopâtre, « reine adorable », se jette dans les bras de César, lequel sacrifie Ptolémée pour venger l’assassinat de Pompée, et libère Cornélie (Sophie Daull) sa veuve.
Dans Sophonisbe, les Romains sont aux portes de Carthage. Sophonisbe (Aurore Paris) la fille d’Asdrubal, avait d’abord été fiancée à Massinisse (Bertrand Suarez-Pazos), mais son père lui a fait épouser le vieux Syphax (Pierre-Stefan Montagnier) qui est fou d’elle. Or, elle apprend que Syphax s’apprête à signer la paix avec Rome et que son ex devrait épouser éryxe (Malvina Morisseau), reine de Gétulie. Sophonisbe, jalouse, pousse Carthage à la guerre. Syphax est vaincu et prisonnier. Elle épouse Massinisse, mais les Romains en ont décidé autrement. Lélius (Marc Arnaud), lieutenant de Scipion, libère Syphax. Sophonisbe se suicide et le Romain de dire « une telle fierté devait naître romaine ».
Les mêmes comédiens jouent un soir Pompée, le lendemain Sophonisbe, et dans cette alternance, ils passent, avec un égal talent, du personnage de la Reine à celui de suivante, de général à celui de centurion, et du rôle de dominant à celui de dominé. Les maquillages et coiffures de Véronique Deransart favorisent les transformations des comédiens, et les costumes atemporels de Laurianne Scimemi sont sobres et élégants.
Une longue table sert de diagonale à l’espace scénique. Pour Pompée, table et chaises d’argent, satinée de vert. Pour Sophonisbe, même décor, mais table, et chaises adoptent l’or et la pourpre (scénographie et lumière de Yves Collet). Au cours des actes, on dresse la table, avec des nappes de dentelle et fils d’or (ou d’argent), ou des satins brochés. On y pose des collations de fruits de pâtisseries, des plateaux pour boire du thé ou des alcools.
Corneille est servi, à table !
photos : © Cosimo Mirco Maglioccia
Pompée et Sophonisbe de Pierre Corneille
Du 13 novembre au 1er décembre
Théâtre des Abbesses
www.theatredelaville-paris.com
01 42 74 22 77
10:50 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de la ville, corneille, brigitte jacques | Facebook | | Imprimer