Un duo délirant (23/10/2016)
Tous les auteurs dramatiques vous le diront. Le plus difficile n’est pas d’écrire une pièce, le plus dur est de la faire jouer.
- Vous avez une tête d’affiche ? demande le directeur de théâtre. Car pour lui, pas de scène possible, si la distribution ne comprend pas au moins un(e) ou comédien(ne) une «tête d'affiche», « bankable », comme on dit maintenant.
Et le pauvre auteur dramatique d’attendre que le comédien pressenti daigne lire son manuscrit, ou que son agent accepte de lui transmettre.
- Vous avez la production ? demande la vedette.
Et ce jeu de bonneteau peut durer des mois, voire des années.
Pas étonnant que le jeune auteur qui s’ « appelle Vincent » (Sébastien Castro), use d’une autre tactique avec le comédien qu’il a choisi pour interpréter son personnage principal, François B., c’est-à-dire François Berléand, qui jouait Dom Juan et n’avait pas encore lu la pièce qu’il lui avait envoyée six mois auparavant.
Le comédien se trouve « aspiré » dans « l’univers fictionnel » de l’auteur et non seulement ne peut plus en sortir, mais il est rejoint par les personnages nés de la transposition du réel dans cet autre monde. Sont ainsi « aspirés » sa femme (Constance Dollé), et l’employée de maison (Inès Valarché).
Clément Gayet est l’auteur de Moi, moi et François B., un cauchemar kafkaïen, dans lequel les comédiens se heurtent aux « terrifiants pépins » (comme aurait dit Prévert) d’une réalité transposée.
Le metteur en scène, Stéphane Hillel, installe une perpétuelle inquiétude. Le décor d’Edouard Laug est judicieusement menaçant, les lumières de Laurent Béal en soulignent l’étrangeté et la musique de François Peyronny renforce l’angoisse.
Si François Berléand passe de fichus quarts d’heure, le public se laisse embarquer dans un fantastique très humoristique et suit allègrement les comédiens. François Berléand forme avec Sébastien Castro un duo délirant.
Le hiatus entre fiction et réalité semble hanter les dramaturges, cette saison, puisque Arnaud Denis dans Le Personnage désincarné, et Alexis Michalik dans Edmond jouent également sur ce thème et sur ses variations.
Est-ce à dire que notre époque confondrait les chimères et les certitudes ? Prendrions-nous les vessies pour des lanternes ?
Moi, moi et François B… de Clément Gayet
Théâtre Montparnasse
01 43 22 77 74
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi : 21h
Samedi : 17h30 Dimanche : 15h30
16:44 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre montparnasse, françois berléand | Facebook | | Imprimer