Royaume en déshérence (26/01/2006)


 

En amour, les belles paroles ne suffisent pas. Seules comptent les preuves. Vous avez déjà vu La Tragédie du roi Lear.Vous avez déjà lu les commentaires infinis sur le vieux roi qui, se contentant du roucoulement des mots doux, a maudit sa fille Cordélia et l'a déshéritée au profit de ses aînées : Goneril et Régane, ces garces qui vampirisent leur père et hâtent sa décrépitude avant de le précipiter dans la folie. Cordélia tente de le sauver. Elle en meurt. Le royaume tombe en déshérence.

Vous savez que l’écrasant rôle de Lear, couronnement d’une carrière d’acteur, est magistralement tenu par Michel Piccoli. Je ne vous parlerai donc pas de lui, ni du fidèle Kent interprété par Gérard Desarthe qui rayonne de force et de courage, ni de Jean-Claude Jay qui joue un Gloucester aussi poignant que Lear, ni de Jérôme Kircher qui est Edgar le fils maudit bouleversant de tendresse, ni de Jean-Paul Farré, génial bouffon. Ni de Gérard Watkins, ni de Rémy Carpentier, « enfin toute la bande »…
Car, dans la mise en scène d’André Engel, il s’agit bien des règlements de comptes sanglants d’un gang des années 20 ou 30 dont Lear aurait été le « parrain ». Sans doute le choix du metteur en scène a-t-il été inspiré par le lieu, ce hangar-atelier congruent aux luttes de clans banalisées par les films américains. Certes, les féodaux cruels et avides de Shakespeare peuvent être jugés comme des malfaiteurs, et « Lear est rapproché », écrit Daniel Loayza. Mais une tragédie est-elle faite pour rapprocher ses personnages des hommes ordinaires que nous sommes ? Ou pour que nous, les hommes médiocres, nous approchions des dieux ?
Disons encore que l’utilisation de ce décor est parfaite, et qu’on retrouve avec émotion l’espace élisabéthain, posé latéralement, à cour, avec sa upper gallery, pour les scènes extérieures, sa in-gallery pour les scènes intimes et l’immense plateau où se déchaînent les éléments du ciel contre la prétention humaine.
On oublie alors l’époque pour ne garder que l’image de l’orgueil abattu.
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Aux Ateliers Berthier/théâtre de l’Odéon
01 44 85 40 40

 

12:25 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer