Des monstres ordinaires (03/02/2006)

 

 

La Maison des morts de Philippe Minyana

 

Ce sont des gens que la vie a cabossés dès l'enfance. Ils n'ont pas d'identité propre, juste des repères physiques pour les matérialiser. La Femme à la petite voix (Catherine Ferran), la Femme à la natte (Catherine Hiegel), l'Homme aux cannes (Pierre Vial). Ils se contentent de peu : petits boulots et allocations. Ils ne luttent pas pour vivre, ils se débattent pour exister, au fil d'une eau plutôt fétide, dans le marécage des instincts. Ils ne distinguent pas le désir du besoin. Le père trouve normal de copuler avec sa fille. La mère de tuer son fils. Car, s'ils ne sont pas des héros, ils font parfois les gros titres dans la rubrique des faits divers. Et comment pourrait-on avoir pitié d'eux, ces monstres de l'ordinaire ?  Ils n’ont pas de mots pour se plaindre ou expliquer. Juste quelques phrases qu’ils répètent sans se faire comprendre, et le cri, le hurlement primal qui déchire le silence. Dès leur naissance, ils habitent la maison des morts, car pour eux, la mort est délivrance.
Philippe Minyana signe là une œuvre d’une noirceur atroce, inspirée de la réalité, transformée par une langue décomposée, recomposée en phrases courtes, hachées, malaxées. Robert Cantarella clôt l’espace central. Autour des cloisons, rideaux, portes et fenêtres, des êtres s’agitent et se noient, comme des poissons hors d’un bocal. On connaissait le génie de Catherine Hiegel, Catherine Ferran et Pierre Vial à composer des personnages monstrueux. Ils sont parfaits. On découvre de jeunes talents qu’on ne connaissait pas encore : Sharokh Moshkin Ghalam, Nicolas Maury, Grégoire Tachnakian, tous sidérants dans l’interprétaion des divers rôles qu’ils assument avec brio.
De quoi étonner et bouleverser le public du Vieux-Colombier.


Théâtre du Vieux-Colombier
01 44 39 87 00/01

09:30 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer