L'industrie du siècle (01/03/2006)
Kolb dirige une entreprise familiale dans une Allemagne ruinée par la guerre de 1914-1918. Krüg revient du front et cherche du travail. Gertha (Stéphanie Pasquet), la femme de Kolb cherche un amant jeune et ardent. Hermann Kolb (Jean-Yves Duparc) est cupide, Otto Krüg (Xavier-Valéry Gauthier) est ambitieux. Ces trois-là vont s’entendre si bien, qu’en 1937, ils lèvent leur verre à la prospérité retrouvée : « au bébé, à la maman, et au crématorium », avec Ritter (Brontis Jodorowsky), le responsable nazi de l’usine, Hilde (Anne-Sophie Pommier-Dupré) la secrétaire et Ferlich (Rainer Sievert), le « juif utile », qu’on garde dans la firme, parce qu’on en a « besoin ». Plus tard, Schwartz (Yves Lecat) fera appel à la maison Kolb et Krüg pour organiser à Auschwitz l’incinération rapide des corps. Car dans un Etat totalitaire, tout est planifié.
Un siècle d’industrie de Marc Dugowson est une pièce terrible au sens propre du terme. Elle montre sans discours, sans jugement, comment on installe la terreur dans un pays. Comment, de petites lâchetés en non-dits, de dénonciations en menaces, on asservit la population, on annihile toute pensée. Sur le terreau fertile de la cupidité, la dictature prospère. Paul Golub a mis la pièce en scène avec sobriété. Il a demandé froideur et fébrilité aux comédiens. C’est efficace, et glaçant.
Ce n’est pas un « théâtre de digestion », ni un théâtre « didactique », c’est un théâtre qui interroge le spectateur, dérange ses habitudes, exige qu’il réfléchisse. Car la barbarie n’est pas morte. Elle reste l'industrie du siècle, celle qui enrichit... En Afrique, en Asie, en banlieue, elle barbote dans des marigots d’ignorance dont profitent les scélérats.
Texte publié à L’Avant-Scène théâtre, avec dossier, 14 €
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15:40 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer