Denise Bonal, Grand Prix de littérature dramatique (01/05/2006)

En 2005, a été créé le Grand Prix de Littérature dramatique, à l'instigation de quelques fous de théâtre, qui voulaient en faire l’équivalent d’un Goncourt du Théâtre.
Le premier lauréat fut Marc Dugowson. À peine laissa-t-on Xavier Durringer l’annoncer au pupitre des Molières. Peu de commentaires dans les pages « culture ». Cette année, le Grand Prix a été attribué à Denise Bonal. Ai-je été distraite ? Mais je n’ai vu, ni entendu personne paraître sur France 2 pour l’annoncer… Ou alors, c’était si discret que personne n’a applaudi…
Et, pourtant, le matin même, au Ministère, le Ministre de la Culture, sur propositions d'un jury d'auteurs, attribuait le grand prix de littérature dramatique à Denise Bonal.
Depuis combien de temps le théâtre n’est-il plus de « la littérature » ? On continue d’étudier la grandeur chez Corneille, le comique chez Molière, l’alexandrin racinien, le mélange des genres chez Musset, le grotesque chez Hugo, mais les critiques littéraires ne parlent pas des textes dramatiques. On cite les répliques de Jocaste pour étudier le complexe d’Œdipe, les stances d’Antigone afin de stigmatiser les tyrans, les mots d’Hamlet quand il s’agit d’analyser la vengeance, mais qui approfondit les textes dramatiques contemporains ?
Or, si on dit aux éditions Théâtrales, « le Théâtre, ça se lit aussi ! », j’ajouterai, que « le Théâtre, ça s’écrit d’ABORD ! »
Car l’écriture permet de distinguer le dramatique et le dramatoc. On peut être floué par un beau spectacle, envoûté par une interprétation, mais le texte ne perdurera guère au-delà de la représentation. Il n’y aura ni reprise, ni nouvelle création.
Les textes de Denise Bonal supportent toutes les épreuves. Lecture, enregistrement radiophonique, création scénique, publication, reprise, traduction…
Combien de fois ai-je vu Légère en août  ? et Honorée par un petit monument ? et  Portrait de famille ? Tous les ans depuis leur création, une compagnie s’en empare, en Avignon, au Masque d’or, aux Arlequins, et ailleurs… plus loin. Récemment, « Les Pas perdus » se sont retrouvés au Rond-Point. Et cette année, De dimanche en dimanche  qui vient d’être couronné par le deuxième Grand Prix de littérature dramatique, est encore, à ma connaissance, inédit à la scène !
Mais pas pour longtemps, car, cette fois, Denise Bonal a visé l’économie, trois personnages, alors que dans la plupart de ses pièces toute une « chorale » de personnages, tisse le lien social et affectif.
Ici, de dimanche en dimanche, un père et une mère hésitent à reprendre l'enfant qu'ils ont confiée à des amis aisés qui la choient, mais l'accaparent aussi. Étrange sentiment de dépossession, d'arrachement affectif ! Douleur de déplaire aux amis, de traumatiser l'enfant... L'œuvre de Denise Bonal diffuse cette sensibilité, ces émotions délicates... Partout, des êtres qui nous ressemblent cachent leur angoisse sous des hésitations, des gestes maladroits, et leurs mots simples composent une musique de sonatine, où les silences, et les pauses ponctuent "piano", "pianissimo", les détresses avant les colères, les espoirs avant les déceptions.

Denise Bonal, qui est la modestie même, nous pardonnera de dire qu’elle n’est pas une débutante, en redonnant ici la liste des prix qui ont couronné ses œuvres,
1975, Grand Prix d’Enghien pour «Les Moutons noirs
1980, Grand prix de la radio de la SACD
1985, Grand Prix du théâtre de la SACD
1990, Prix Arletty
1994, Prix European Drama pour Féroce comme le cœur
2004, Molière du meilleur auteur pour «Portrait de famille.
Longue vie donc à Denise Bonal, longue vie à son œuvre…




De dimanche en dimanche
Éditions Théâtrales
Prix : 10 €

09:25 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer