Do, mi, sol, do ! Haut de gamme... (14/05/2006)
L’ennui avec Paul Géraldy, c’est sa mauvaise réputation : il passe pour un sentimental bêlant. On lui doit Toi et moi, recueil de poèmes qui chantent l’amour partagé qui dure toujours : « aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain ».
Autant le dire tout de suite, son théâtre devrait déraciner ce préjugé.
Les hommes n’y sont pas fidèles, et les femmes sont de la même eau… Michel (David Seigneur) est un homme politique, il sait mentir et louvoyer. Il trompe sa femme, Jacqueline (Camille Cottin), avec Gabrielle (Rachel Arditi), une jeune divorcée dont l’ex-mari, André (Sacha Stativkine), avocat, a pour maîtresse... Jacqueline. Michel trouve normal de tromper sa femme, mais n’admettrait pas que celle-ci ait un amant. Jacqueline « de marbre » dans les bras de son mari, se refuse à imaginer qu’il puisse prendre son plaisir ailleurs. Pour Michel, Jacqueline est irréprochable. Il croit subtil le langage codé qu’il utilise avec Gabrielle au téléphone. Mais Jacqueline a tout deviné, et Gabrielle, aux premiers mots d’André a tout compris. Les hommes sont pesants et obtus et les femmes qui paraissent têtes légères, appréhendent mieux les réalités. Elles deviendront amies…
À la création, en 1934, la critique cita Marivaux. Effectivement, avec cette double inconstance, ces surprises de l’amour, ce jeu du hasard qui amène « tout le monde », dans « des endroits où il ne vient personne », ces dialogues ciselés, l’atmosphère est au marivaudage, mais sans la cruauté. Personne ne souffre vraiment. Nous sommes au vingtième siècle. Le divorce est légal, même si on le pratique encore modérément. Les couples bourgeois se défient des femmes seules, les femmes les placent en bout de table, les hommes se permettent des privautés quand ils les raccompagnent. Dans l’univers de Géraldy, les hommes travaillent et les femmes dépensent. Mais, comme chez Feydeau, dans La Main passe, les hommes se laissent piéger. « Le mariage, c’est fait pour les femmes », et Jacqueline n’est pas prête à descendre du piédestal social que le mariage lui confère…
Régis Santon revigore ce théâtre qu’on disait désuet, avec Claude Plet pour les décors et de jeunes interprètes charmeurs qui ont l’âge de leur rôle. Rachel Arditi est une délicieuse fine mouche, Camille Cottin une évaporée admirable de réalisme, Sacha Stativkine joue à merveille les ténébreux, David Seigneur endosse parfaitement le costume du diplomate honnête homme. Les costumes d’Ilkido Horvatz et Marie-France Santon flirtent avec les années 30, mais sans les retenir, déliant des analogies esthétiques très vingt-et-unième siècle. On en oublierait les petites bonnes (Betty Nicolas, Mélaine) qui jouent les nigaudes.
Do, mi, sol, do ! c’est une gamme en majeur, et un refrain tendrement moqueur.
Do, mi, sol, do ! de Paul Géraldy
Théâtre Silvia Monfort à 20 h 30
01 56 08 33 88
Du 11 mai au 2 juillet
Texte publié aux éditions La Traverse
Prix : 8 €
00:25 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer