Jeux et Joutes liminaires (23/06/2006)

Elles n’ont pas encore revêtu leurs habits de lumières, mais elles sont déjà dans l’arène.
Elles entrent, elles se jaugent, plantent les premières banderilles, avant de se porter les premiers coups bas. Ce sont les joutes liminaires qui préludent aux jeux de scène, aux répétitions d’une pièce, sur le plateau encore désert d’un théâtre vide, avec comme seul témoin, invisible, un régisseur lumière qu’elles appellent « Baptiste ».
Elles ? Deux monstres que le public appellent « sacrés » : une comédienne célèbre, Hortense, et une auteure (comme on écrit aujourd’hui) illustrissime, Gertrud. Prononcez Guerrrtrroud », sinon, elle vous méprise.
Victor Haïm connaît bien ces femmes du sérail dramatique. Deux fières emmerderesses qui manient les superlatifs et basculent de l’amour passionné à la haine vindicative pour « un oui, pour un non », comme aurait dit une autre illustrissime. Il sait que de ces conflits naît l’émulation, et que le désir de se surpasser, de prouver à l’autre qu’on est « la meilleure », qu’elle ne vous a pas choisie, mais que vous êtes « l’élue, fabrique les grands artistes.
« Commençons », disent-elles, mais la répétition est sans cesse différée. Hélène Arié, dans son trench rouge est la passion et Catherine Lombard en salopette bronze est la rigidité (costumes de Thomas Gouès). Chacune, en aparté rend le public complice : « elle est d’une vulgarité », dit Gertrud. « Elle me fait positivement chier », confie Hortense… qui affiche un sourire serein.
Hortense ne dédaigne pas jouer dans des séries populaires de la télé, et elle est la maîtresse du ministre de la police. Il y a toujours un Big Brother qui veille dans une pièce de Victor Haïm. Gertrud est une intello pure et dure, qui « écrit pour ne pas mourir », et qui affiche son homosexualité. Tout les oppose : leur carrière comme leur vie privée. Mais elles se complètent parfaitement, et savent qu’elles ont besoin l’une de l’autre.
Jeux de scène est un moment conflictuel nécessaire, pour que, au final, la pièce soit un chef d’œuvre. Et la mise en scène de Jean-Pierre Andréani, dans sa rigueur austère réussit ce bel ouvrage…
Ils jouent tout l'été, les Parisiens bronzeront intelligents.


 Jeux de scène de Victor Haïm

Théâtre Noir
Lucernaire du mardi au samedi à 18 h 30

11:44 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer