Le but ou la vie (15/03/2007)
Pour honorer les dieux, les Grecs avaient construit des stades, et les héros s’y affrontaient pour une couronne de lauriers. Aujourd’hui les compétitions se règlent avec des contrats faramineux. Mais ce qui est resté intact, c’est, avec le goût de la victoire, la sacralisation de l’athlète. Emmanuel Bourdieu, Frédéric Bélier-Garcia et Denis Podalydès, amateurs de football ont écrit et mis en scène Le Mental de l’équipe. La partie est difficile de représenter l’espace où se joue le match, l’espace mental des joueurs où les sentiments se heurtent, l’espace des entraîneurs, celui des commentateurs et l’espace intime d’où les proches les observent. Eh bien, ils gagnent !
Ne dites pas que le sport vous indiffère. Il s’agit, ici d’un monde shakespearien où chacun rêve de devenir le maître, et pour cette promotion, il est prêt à trahir les siens et l’idéal du sport. Car le champion ne rêve pas seulement d’anéantir le camp adverse, il veut être le meilleur de tous. L’action commence sur un air de paso-doble, et la lumière (Stéphane Daniel) circonscrit le centre nu du plateau en forme d’arène (scénographie d’Éric Ruf). Des constructions mobiles, figurant les cages des entraîneurs ou celle du gardien de but, se déplacent au fil des événements. Et il s’en passe des choses pendant que le match se déroule !
Quand le « puissant » Granger (Patrick Ligardes), en maillot rouge (costumes de Joana Georges-Rossi) révèle au sombre Monod (Jérôme Kircher) qu’il joue « son dernier match », le mental de l’équipe est au plus bas. Mais aussi, depuis dix ans, pourquoi le numéro 8 n’a-t-il jamais tiré un coup franc ? On fait intervenir Jules Janin, le sophrologue de service, - bravo les références à la critique théâtrale du XIXe ! - subtilement interprété par Jacques Bonnafé, afin d’alimenter « sa flamme paradoxale ». Hélas ! Il échoue, comme il a échoué auprès de Granger, qui, devait tirer, mais flanche et se ratatine, malgré les conseils psychologiques. Monod, doit choisir : le but ou la vie. Tiraillé entre le désir et la rancoeur hésite, Ménard (Daniel Martin) aussi, les commentateurs (Éric Berger et Francis Leplay) ne savent plus à qui se vouer. Mazryk (Manuel Le Lièvre), le « terrible Hongrois « de l’équipe adverse, retient la déprime de ses coéquipiers. Le « système » est en panne, « l’artiste » du ballon rond retarde le tir au but. Le temps est suspendu. Micha Lescot, qui interprète le goal inénarrable de l’équipe en bleu, sous le nom de Lazare va permettre la résurrection de Monod qui déclenche le coup de pied hyperbolique.
On ne vous dit pas comment, car il faut aller les voir, tous : Cécile Bouillot, la femme infidèle, Marie Nicolle (le fils) ; Volodia Serre, Alexandre Steiger, Samuel Vittoz. La salle Renaud-Barrault entière vibre de bonheur. Ce qui se passe sur la scène du Rond-Point est magique. Dans une chorégraphie impeccable, signée Jean-Marc Hoolbecq, les équipes se croisent, s’observent, s’affrontent sur le lieu sacré, j’ai nommé la scène. Car pour rassembler les hommes, les Grecs avaient aussi inventé le Théâtre.
Théâtre du Rond-Point
Salle Renaud-Barrault 01 44 95 98 21
Jusqu’au 14 avril
Ensuite en tournée à Meylan, Nantes, Bourges, Valenciennes, Conflans Saint-Honorine, Colombes, La Rochelle, Chelles, Châteauroux.
21:55 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer