Revenir et mourir (21/03/2007)

L’intérieur est cossu, l’atmosphère est tranquille. Une baie vitrée ouvre sur le jardin d’hiver. Régine (Elisabeth Ventura) entre, vêtue d’une robe grise comme une parente pauvre ou une servante : elle vient allumer le feu. Le portrait du maître décédé trône au dessus de la cheminée. Bel homme, auquel le « jeune maître », Oswald Alving (Arnaud Denis) ressemble. Dans Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde donnait à une peinture, les stigmates des crimes que son héros perpétrait. Le jeune metteur en scène, Arnaud Denis a dû s’en souvenir. Car, malgré l’aisance de l’intérieur bourgeois, il manque un morceau au cadre et le manteau de la cheminée semble rongé par quelque prédateur  xylophage. Les décors de Millie, les costumes d'Emmanuel Peduzzi, sobres et intelligents ont installé le drame.

Oswald Alving (Arnaud Denis) est artiste peintre, il est revenu dans la maison familiale, et sa mère, Madame Alving (Michèle André) peut enfin lui témoigner la tendresse dont elle se privait. Pour quelles raisons ? Le mari décédé, l’homme du portrait, a mené une « vie de débauche » ! Le terme a été « employé par le médecin » et Mme Alving le répète au pasteur (Jean-Pierre Leroux). Elle a « porté sa croix avec humilité », elle a « fait son devoir », mais le « ver » est passé dans le fils menacé de « ramollissement cérébral » à brève échéance. Il s’est amouraché de la jeune protégée que Mme Alwin a arrachée à  Engstrand (Bernard Métraux), un autre père indigne. Cependant, Régine ne pourra pas l’épouser, ni Oswald chercher quelque rédemption dans l’amour, puisque le la jeune fille est une fille adultérine de son père… Quand Mme Alvin les aperçoit dans le jardin d’hiver, elle  croit voir « des revenants » : son mari et la servante Joanna.

 

Pères coupables, femmes humiliées, pasteur hypocrite, Ibsen peint une société close qui condamne les artistes dont elle fustige la « flagrante immoralité », mais accepte des turpitudes autrement destructrices. Mme Alvin rejette trop tard cette vie de façade, cette « morale, cause de tous les malheurs des familles. » Plus de soleil pour le pauvre Oswald ! Il est revenu pour mourir.

Les comédiens sont admirables, Arnaud Denis ténébreux et fébrile, tout en nerfs, Bernard Métraux cauteleux et inquiétant, Elisabeth Ventura fragile et dure, Michèle André raidie de chagrin dans le corset qui la maintient dans le droit chemin, Jean-Pierre Leroux guindé et prude, que les lumières de Laurent Béal cernent et isolent, et la musique de Philip Glass enveloppe.

Ces Revenants  parlent de secrets enfouis et de vies dévastées : un grand Ibsen révèle un jeune metteur en scène de valeur.

 

 

 

   

 

Les Revenants d’Ibsen au Théâtre 13

jusqu’au 15 avril

01 45 88 62 22

19:10 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer