Une entreprise à hauts risques (29/11/2007)
Pour faire une bonne scène de ménage, prenez un couple qui a dépassé de cinq ans la date de péremption, c’est-à-dire les noces d’argent. Choisissez un conjoint ronfleur et l’autre insomniaque, nappez de mauvaise foi, saupoudrez de jalousie, et laissez mijoter sous les feux de la rampe. Goûtez. Un peu amer ? Oui, mais succulent !
Vous obtenez Yona (Philippe Lebas) qui ressasse ses griefs contre Leviva (Christine Joly) : « trente ans de merde ! ». Ils ont trimé, élevé des enfants qui se sont envolés. Cette nuit, il est bien décidé à la quitter, et il la réveille pour le lui dire. Il la connaît bien et anticipe toutes ses réactions. Elle sait tout de lui, et en particulier que c’est un un velléitaire et que sans elle, il ne posséderait pas grand-chose : « j’espère que tu es suffisamment adulte pour comprendre que je ne suis pas le problème… [mais] le prétexte. » riposte-t-elle à celui qui vient de la jeter à bas du lit en alléguant qu’elle ne rêvait pas de lui.
Il affirme ce soir que ses aspirations sont « beauté et spiritualité », mais avec Leviva, il ne parlait que de hareng. Elle pleure, elle hurle à la mort, il fait sa valise. Elle prend à témoin les ombres familiales disparues. Il va partir. L’arrivée impromptue de Gounkel (Jean-Pierre Mesnard) va tout changer. Il est deux heures du matin, il a vu de la lumière, il prétend qu’il a besoin d’aspirine pour soigner sa migraine.
Photo © Arthur PEQUIN.Gounkel ? Ça fait cinquante-cinq ans qu’il est seul dans son lit, alors il veut qu’on l’aime. Il s’incruste. On jurerait que Yona et Leviva ont vu Les Boulingrin de Courteline ou Danse de mort de Strindberg. Ils se rabibochent vite fait pour chasser l’intrus, et battre ainsi leur pas de deux querelleur jusqu’à la dernière nuit. Christine Joly et Philippe Lebas ont une combativité exceptionnelle. Le trio bouscule joyeusement tous les clichés sentimentaux, et le dernier duo ne manque pas d’émotion.
La scénographie de Jean-Pierre Berthommier place à jardin de face, un lit conjugal blanc dans un décor d’un gris léger (Alain-Bernard Billy), et entre la commode posée à cour, l’espace scénique est réservé au champ de bataille : vêtement épars des conjoints, sol où Yona vide la forme gibbeuse qui occupait la couette à sa gauche. Entre chaque séquence, la scène plonge dans la pénombre tandis qu’une lumière rasante et la bande son (Marc Brochet) font entrer la rumeur de la ville, brisant l’intime par un semblant de social.
C’est cruel et drôle, avec des fulgurances réalistes qui provoquent le rire. Le texte est cru, mais jamais vulgaire. Et Hannock Levin, manie constamment le décalage avec les apartés et les réflexions au spectateurs.
Pas facile la vie à deux ? Mais impossible de vivre seul ! L’entreprise conjugale est à hauts risques, au bord de la faillite. Yona est souvent prêt à tout larguer, mais Levina ne dépose jamais le bilan. Un maîtresse femme ! De celle dont on fait les noces de platine, ou de diamant.
Une laborieuse entreprise de Hanokh Levin
Jusqu’au 30 décembre
01 43 56 38 32
12:50 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer