Nocturnes pirandelliens (12/02/2008)

     Jean-Yves Lazennec a réuni deux pièces courtes de Luigi Pirandello : L’homme à la fleur dans la bouche et Cédrats de Sicile, pour un Voyage en Sicile. Deux pièces que Pirandello avait d’abord écrites sous forme de nouvelles, deux pièces dont Jean-Loup Rivière nous donne une nouvelle traduction bouleversante. Deux pièces nocturnes et funèbres qui se passent dans la patrie de l’auteur.

     La première est la plus courte de son œuvre. Elle met en scène un homme (Jean-Claude Frissung) qui porte sur la bouche le signe de la mort : « épithéliome ». Cette « fleur» cancéreuse l’éloigne des hommes mais ne dégoûte pas la femme qui l’aime et ne craint nulle menace. L’homme s’exaspère, contient « une envie sauvage de l’étrangler ». Pour calmer son angoisse, il digresse, décrivant minutieusement des gestes absurdes de la vie quotidienne. On le plaint et son interlocuteur (Philippe Bombled) plaint la femme plus encore.

     Dans Les Cédrats, c’est l’homme qu’on plaint. Micuccio (Jean-Claude Frissung), modeste musicien dans la fanfare de son village, a vendu son bien pour permettre à Teresina de suivre des cours au conservatoire de Naples. Elle était sa promise. Elle est devenue Sina (Sophie Tellier) une diva adulée, il est resté un humble paysan.

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Les domestiques (Philippe Bombled et Christian Peythieu) se moquent de lui. Il est généreux, fidèle, grotesque. Elle est indifférente, frivole, et les larbins se montrent encore plus méprisants que leur maîtresse. L’humilié est venu avec des cédrats, spécificité sicilienne, qu’il offre à la mère (Chantal Deruaz) en souvenir du pays. Elle suffoque de honte et demande pardon pour sa fille. Il repart, le cœur brisé, mais la tête haute. Teresina n’est plus digne de lui.

   Au son de la mandoline dans la première, au son du piccolo dans la seconde, les comédiens montrent la profonde mélancolie de Pirandello. Ils sont poignants de vérité dans un décor sobre, épuré, comme brûlé (scénographie de Philippe Marioge et lumières de Philippe Collet). Par le soleil de Sicile ? Ou par la passion pour une Sina qui retire ses longs gants noirs à la manière de Gilda ?

    L’amour, chez Pirandello n’est jamais rédempteur. Il consume les âmes. On n’y échappe cependant pas, et l’avenir est toujours dans la mort attendue.Jean-Yves Lazennec nous en donne une illustration amère, comme les cédrats...

 Photo : Jean-Claude Frissung dans Les Cédrats de Sicile

©  Philippe Delacroix

L’homme à la fleur dans la bouche et Cédrats de Sicile de Luigi Pirandello

Texte français de Jean-Loup Rivière

Jusqu’au 23 février

Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet

0153 05 19 19

 

14:20 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, littérature |  Facebook | |  Imprimer