La guerre et Courage (23/03/2008)

     Février 1952 : dans la salle des Grésillons qui ne s’appelle pas encore « théâtre de Gennevilliers » , j’assiste, médusée à la représentation de Mère Courage. Courage, c’est Germaine Montero, une reine de la chanson réaliste, et Eilif, c’est Gérard Philipe, qui a quitté le manteau rouge du Cid, pour une tenue grisâtre de soldat de fortune… Je découvre Brecht et le théâtre contemporain. J’étais classique. Molière et Corneille au lycée, un peu de Courteline ailleurs. Je fréquentais les matinées classiques de la Comédie-Française, et j’applaudissais mes aînés dans des soirées amateurs. Le Théâtre national Populaire de Jean Vilar me révèle le Théâtre.

     Se remet-on d’un tel éblouissement ?

     J’ai suivi depuis bien des carrioles. Je n’en avais pas encore vu d’aussi immaculée que celle qui chemine ces temps-ci sous la direction d’Anne-Marie Lazarini (décor et lumières deFrançois Cabanat). Certes, il neige dans un pays crayeux et on peut penser que cette blancheur sert de « camouflage en terrain enneigé », afin qu’Anna Fierling (Sylvie Herbert) puisse assurer son petit commerce. Certes, la bâche est rapiécée, mais pendant les vingt ans qu’elle « la promène », comment fait-elle pour ne jamais écoper d’une souillure ? « La paix, c’est la pagaille, la guerre c’est l’ordre », d’après le recruteur (Tommaso Simioni). La guerre de Trente ans au cours de laquelle la charrette se brinqueballe, c’est aussi la boue, la saleté, le froid, la misère, la souffrance. Les costumes de Dominique Bourde, en toile écrue manquent d’un « peu de crasse ». On me dira qu’ils référencent bien l’innocence, et la stupide naïveté de Courage. On me dira aussi qu’il faut beaucoup de moyens pour avoir deux charrettes, de la place pour les mouvoir, les garer, et que les Artistic Athévains manquent de l’un et l’autre.  

     Ce qu’il faut surtout dire, à l’heure des complaisances envers des puissances belliqueuses, c’est « maudite soit la guerre ! » et cette absence totale d’amour qui assèche les vies.

     Heureusement, la distribution est riche de talents. Sylvie Herbert a la stature d’une Courage rouée et crédule à la fois. Autour d’elle Catherine (Judith d’Aleazzo) bouleversante sacrifiée, le lieutenant (Bruno Andrieux, Eilif (David Fernandez), Petitsuisse (Hervé Fontaine), Le Colonel (Claude Guedj qui joue aussi un paysan), Yvette (Frédérique Lazarini), le jeune soldat (Maximilien Neujarh), l’Aumônier (Michel Ouimet), le cuisinier (Marc Shapira), suivent la décomposition des peuples et des âmes. Le « chant de la grande capitulation », (musique de Paul Dessau), vaut pour tous qui croient vivre de la guerre et ne s’aperçoivent pas que le manche de leur cuillère est beaucoup trop court « pour dîner avec le diable ».

Anne-Marie Lazarini, vaillamment, dénonce le cynisme et en présentant Mère Courage œuvre pour la paix.  

Mère Courage et ses enfants de Bertolt Brecht

Artistic-Athévains 01 43 56 38 32

12:25 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, littérature |  Facebook | |  Imprimer