Jour de colère à Haïti (03/04/2008)

     C’était un roman de Marie Vieux-Chauvet, Amour, colère et folie, José Pliya l’a adapté pour la scène et n’a gardé que le premier mot : Amour. Il contient tous les autres. Le monologue de Claire (Magali Denis Comeau) explique comment naît le désir, la perversité, la rancœur, la vengeance lorsque l’amour est frustré. La mise en scène de Vincent Goethals rompt le récit de Claire par l’apparition d’un danseur, Cyril Viallon, dont le corps, les mouvements, (sur des concertos de Beethoven) sont à la fois l’image du désir et la personnification d’un réel refusé.

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« Le souvenir du fruit défendu est ce qu’il y a de plus ancien dans la mémoire de chacun de nous, comme dans celle de l’humanité », écrivait Bergson. Ce danseur est le fruit défendu.

     Claire est, dans une famille de « sangs mêlés », l’aînée des trois sœurs Clamont, la vieille fille qui s’est sacrifiée pour élever la petite Annette. Elle veille aussi sur la faible Félicia et, « tient les rênes de la maison », « héritage indivis » d’une famille fortunée d’Haïti. Félicia est mariée à Jean Luze, et les deux autres sœurs convoitent le seul mâle blanc de la maison. Dehors, rôde un autre mâle, une brute de tonton macoute qui viole, pille, menace. Car à la violence dissimulée de la société familiale, répond la violence d’un régime corrompu qui répand la terreur. Claire après avoir été « metteur en scène du drame » familial, deviendra, un jour de colère, l'exécutrice du criminel.

     La vidéo de Janluk Stanislas montre l’intime en gros plan, la création sonore de Bernard Valléry suggère l’émeute extérieure. Les lumières de  Philippe Catalano distillent un jour lumineux derrière des stores de bois et montrent le renfermement de la famille. La scénographie de Jean-Pierre Demas ménage des courbes dans les murs blancs, des endroits dissimulés, des secrets.c7877ee33787bf5116306f9b1f0f97b1.jpg

     Claire, porte une longue robe de coton écru à col officier, vêtement strict pour une fille bien gardée, mais qui la suffoque et que dans ses émotions, elle dégrafe. L’homme est en costume de lin blanc, ou de soie noire. Torse nu pour la sensualité, veste pour la représentation sociale (Costumes Dominique Louis et Sohrab Kashanian), l’image porte plus loin un verbe charnel, que la voix de Magali Comeau Denis érotise.

     C’est toute l’âme d’un peuple qui parle par sa bouche.

 Phtos Eric Legrand

Amour de José Pliya

d’après le roman de Marie Vieux-Chauvet Amour, colère et folie

Le Tarmac

Jusqu’au 19 avril

01 40 03 93 95

12:00 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Histoire, Théâtre |  Facebook | |  Imprimer