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17/11/2005

Les spectacles que j'ai aimés

Chers amis,
Vous souhaitiez savoir s’il y avait une vie après
L’Avant-Scène ?

Ces critiques théâtrales vous diront que je continue à fréquenter le théâtre, et que, même si je m'ennuie de vous quelquefois, la vie ne me paraît pas ennuyeuse.

Danielle Dumas

Mes préférés

Toi c’est moi ! opérette, livret d’Henri Duvernois, lyrics d’Albert Willemetz, musique de Moïses Simons

 

Ah ! les brigands…


 

Toi c’est moi, créée en 1934 par Pills et Tabet, c’est l’histoire de deux copains Bob et Pat qui échangent leur identité pour mieux berner une tante à héritage. Aujourd’hui, avec « les Brigands », une compagnie que vous aviez appréciée avec Docteur Ox, puis Ta bouche, ce sont Olivier Hernandez (ou Carl Ghazarossian) et Loïc Boissier qui endossent les smokings des deux noceurs. Sévère la tante Honorine ? Oui quand il s’agit des dépenses de son neveu, donc des siennes, mais elle est peu farouche dès qu’on lui fait la cour. Est-elle donc la mieux placée pour exiger des autres une conduite sérieuse ? Pauline Carton était la tante Honorine, et Simone Simon, Maricousa, la fiancée du gredin de neveu. Aujourd’hui, c’est Anne-Marie Duthoit, délurée et mutine, qui recrée le rôle, tandis qu’Emmanuelle Goizé, joue la sauvageonne amoureuse prête à en découdre avec sa rivale, Viviane (Jennifer Tani) une écervelée qui voudrait mener tous les hommes comme elle mène son père, par le bout du nez..
Toi c’est moi ne peint pas un monde vertueux. Les messieurs y sont tous un peu filous, et les dames trop sensuelles pour rester honnêtes. La musique n’adoucit pas les mœurs, au contraire, elle balance trop pour qu’on soit sage, elle excite trop pour qu’on raisonne. Et c’est tant mieux, parce que les menteurs et les gaffeurs que nous sommes s’y retrouvent, les bons enfants et les mauvais garçons s’y reconnaissent. Et soixante ans plus tard, sous la direction du chef d’orchestre, Benjamin Lévy, dans la mise en scène de Stéphane Druet, l’opérette devient comédie musicale, et la soirée délicieusement ironique vous réconcilie avec le vaudeville.
Créé à La Coursive de La Rochelle le 8 novembre, puis le 20 novembre à Compiègne, du 8 décembre au 4 janvier à l’Athénée à Paris, et en tournée.
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Faut pas payer de Dario Fo

Vaut mieux rire


 

Quand Dario Fo écrivit cette pièce, il y a quelque trente ans, l’Italie se débattait sous les « années de plomb ». On pouvait donc craindre que le discours sente le militantisme démodé. Il n’en est rien, ce fut une soirée éblouissante.
On ne sait ce qu'il faut admirer le plus : la verve délirante de l'auteur qui composa cette « farce » qu'une politique calamiteuse rend grotesquement actuelle, ou l'intelligence et la lucidité du metteur en scène Jacques Nichet, qui rend tout vraisemblable, même les mensonges énormes, ou l'inspiration étourdissante des comédiens qui mènent la sarabande infernale, Marie-Christine Orry en tête.
La folie s’empare des femmes, la rage empoigne les hommes, et même les délégués syndicaux épris de rigueur et de discipline y succombent. Le flic désabusé, comme le gendarme sarcastique soudain illuminé par la grâce, la jeune épouse timorée comme « le camarade du parti », tous galopent pour échapper à la misère, au désespoir. Les personnages entrent, sortent, se croisent, les placards s’ouvrent, les portes battent, les secrets explosent, à la fois dans l’intime et le social, en une margaille réjouissante. Trois musiciens accompagnent et soutiennent allegro les personnages égarés dans le désordre d’un monde sans repères.
L’œuvre de Dario Fo ne peint pas les bourgeois comme Feydeau mais il en a le rythme et l’invention, il ne peint pas la middle-classe  de Ray Cooney, mais la « classe ouvrière » et ses « culs-bénits de gauche, les couillons » qui se laissent berner par les discours exaltant le « sacrifice » et « la dignité ».
Aucune pièce, aucune réalisation, depuis des années, ne nous avait permis de rire aussi franchement. Nous en avions tous besoin.
Dario Fo a bien mérité son Nobel « pour avoir fustigé les pouvoirs et restauré la dignité des humiliés ».
Actuellement à Nanterre, théâtre des Amandiers en tournée avec le Théâtre National de Toulouse.
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Le Roi nu d’Evgueni Schwartz

Initiatique


 

Le Roi nu d’Evgueni Schwartz, a la forme, le décor, la morale et les personnages d’un conte initiatique, mais l’auteur cachait bien son jeu. Feignant de s’adresser aux enfants, comme dans les fabliaux médiévaux, il enseignait les adultes, et tentait de leur ouvrir les yeux sur le Mal que sous-tend l’arbitraire du Pouvoir.
Vous connaissez tous le conte d’Andersen. Evgueni Schwartz le suit pas à pas. Son pauvre gardien de porcs est ingénieux, amoureux d’une princesse naïve mais pas bête que joue la gracieuse Audrey Fleurot.
Laurent Pelly met en scène des fonctionnaires zélés et des dames hypocrites qu’il rend grotesques dans leur ballet servile. Il habille la princesse de blanc, déguise le jeune porcher, dont il confie le rôle à un beur : Karim Qayouh. C’est du délire dans la salle quand un des thuriféraires du roi prononce le mot « racaille ».
On oublie que c’était Hitler que Schwartz visait, et que Staline se sentit concerné au point de censurer la pièce. La scène est close par des murs de portes et de tiroirs sombres.
Mais en France règne… la démocratie, il n’y a plus de censure, l’amour triomphe, la liberté aussi, les portes s’ouvrent, les rois abdiquent et le public peut applaudir et en redemander…

À l’Athénée jusqu’au 4 décembre puis en tournée par le CDN des Alpes-Grenoble
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Perfectible

Marcia Hesse de Fabrice Melquiot

Chéloïdienne

Qu’elles soient unies ou discordantes, les familles digèrent mal leurs drames. Et quand la famille Hesse se réunit, le 31 décembre, chaque mot, chaque silence parle de Marcia, morte l’année précédente, à la même date, quand la tempête faisait rage. La grand-mère (Michelle Marquais) se répète un peu,  les enfants : Angèle (Evelyne Istria), Jérôme (Jérôme Robart), Franck (Philippe Demarle), Bertrand (Charles Roger Bour) et Henri (Alain Libolt) essaient d’éluder le sujet qui les hante en parlant poésie, littérature, cuisine, mais Georgia (Laurence Roy), exige qu’on l’aborde, qu’on le creuse, qu’on fasse saigner la chéloïde. Les petits-enfants semblent mieux connaître les raisons qui ont poussé Marcia au suicide. Portée par une construction tchékovienne l’intrigue avance, les sentiments de tendresse, d’inquiétude, les agacements et les regrets ondoient, baignent les personnages, imprègnent les spectateurs. On devine un secret, on pense l’atteindre au moment où un des enfants brandit le journal intime que Marcia a laissé.

Las ! Quand la mère lit le mot « avorter », on change de sujet, la famille entière sort dans la tempête, et se tient sur la terrasse tandis que le fantôme de Marcia, surgi de l’ombre de la maison, tient des propos poétiques, mais incohérents, qui ne donneront pas la clé de l’énigme.

Emmanuel Demarcy-Mota, le metteur en scène a l’habitude de se coltiner avec les apparences et les apparitions, et d’en faire jaillir ce qu’elles cachent, mais ici, le mystère demeure.
Danielle Dumas
Jusqu’au 26 novembre au Théâtre des Abbesses, puis tournée de la Comédie de Reims.
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Labo Lubbe de Yves Pagès

En travail


 

Il s’agit d’un théâtre « laboratoire », sans doute ce que d’autres appellent, work in progress, travail intéressant, mais encore inabouti, et qu’il est un peu dommage de livrer, tel quel au public.
Labo Lubbe de Yves Pagès, prend pour point de départ une scène de Brecht dans La Résistible Ascension d’Arturo Ui qu’elle compare à ce qu’on sait de Marinus van der Lubbe depuis la parution des Carnets de route de l’incendiaire du Reichstag.
Disons que ce que nous apprenons du jeune homme rompt avec l’image que le procès, les commentateurs, et Brecht lui-même en avait donné. Mais le plaisir de la révélation se ternit d’effets scéniques un peu faciles : dédoublement du personnage (Gianfranco Poddighe et Bachir Sam), pirouettes des décors (scénographie de François Wastiaux), répétitions des dialogues, querelle entre l’acteur et le metteur en scène, mise en accusation gratuite de Brecht.
Il faut du temps pour faire une œuvre, il faut gommer, récrire, retravailler, abandonner le côté « potache », pour parvenir à quelque chose qui ressemblerait à L’Irrésistible Chute de l’incendiaire du Reichstag. Ils en sont capables.
Danielle Dumas
Actuellement à la Cité internationale de Paris jusqu’au 11 décembre.

15:25 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer