09/02/2006
Famille close
Une famille ordinaire de José Pliya
C’est un logement modeste. Une cuisine, une salle à manger, deux chambres, peut-être une troisième qu’on ne voit pas, celle de l’enfant dont les jouets traînent sur le tapis. C’est une famille banale de Hambourg : Elga, la mère règne sur la cuisine et Dörra, la bru n’aura jamais le droit d’y préparer la soupe. Julius, le fils n’a pas de situation. Un enfant est né : Véra, qui déjà, à trois ans préfère jouer chez les voisins. Heureusement, l’État nazi a besoin de police, et en 1941, il embauche tous les hommes de bonne volonté. Sauf les vieux. Oskar le père y serait bien allé aussi, mais on lui a conseillé de profiter de sa retraite et de cultiver son jardin. Il est vexé. Il voulait servir la patrie. Comme son fils, le veinard qui va pouvoir liquider les Polonais pas obéissants, et les ghettos. À cette « tournée de pacification », il gagne des galons, mais perd tout désir. Les permissions sont rares, éprouvantes pour le père à qui il refuse de parler, pour sa femme qu’il ne regarde plus, qu’il ne touche plus, pour sa mère dévorée d’inquiétude. En 1945, il sera « porté disparu ». Elga d’un mensonge « simple » a sauvé la petite Sarah que les policiers voulaient emmener à Auschwitz. Le grand-père meurt. Soixante ans plus tard, Véra raconte.
Le texte de José Pliya suscite les interrogations, sur la nature du Mal, sur la monstruosité, sur l’amour filial, sur notre responsabilité. Car nous, en 1941, si nous n’avions eu ni logement, ni travail, qu’aurions-nous fait ?
Isabelle Ronayette met en scène très intelligemment. Refusant le pathos, elle choisit de montrer Véra, sous les traits d’une vieille femme : Denise Bonal, et pour mieux accentuer la distance, Laurence Rebouillon filme en gros plan une dame digne et douce qui prend le thé, rêve un peu, s’essuie les mains, regarde au loin. Elle ajoute des plans du port d’Hambourg, de fleurs épanouies, de petite fille rieuse, et sur l’écran projette un film de sérénité retrouvée qui gomme la violence faite à l’enfant.
Reste le malaise de la famille dans l’espace naturaliste. Romain Bonnin est Julius, et avec son visage poupin, il inspire confiance. Comme beaucoup de pervers qui sommeillent. Chantal Garrigues joue la mère tout en retenue, une femme « peu affectueuse » qui n’extériorise rien. Agnès Pontier montre une Dörra secrète, impénétrable, froide en apparence, dévastée par un feu intérieur. Johan Leysen est peut-être trop discret, on l’imagine plus susceptible, plus brutal par moments, mortifère comme son dernier geste. Famille close, société funeste. Dans l’espace scénique imaginé par Annabel Vergne, seule la mère est à sa place, les autres s’observent, se dérangent, se gênent. Les spectateurs sont proches, installés en voyeurs.
C’est un logement modeste. Une cuisine, une salle à manger, deux chambres, peut-être une troisième qu’on ne voit pas, celle de l’enfant dont les jouets traînent sur le tapis. C’est une famille banale de Hambourg : Elga, la mère règne sur la cuisine et Dörra, la bru n’aura jamais le droit d’y préparer la soupe. Julius, le fils n’a pas de situation. Un enfant est né : Véra, qui déjà, à trois ans préfère jouer chez les voisins. Heureusement, l’État nazi a besoin de police, et en 1941, il embauche tous les hommes de bonne volonté. Sauf les vieux. Oskar le père y serait bien allé aussi, mais on lui a conseillé de profiter de sa retraite et de cultiver son jardin. Il est vexé. Il voulait servir la patrie. Comme son fils, le veinard qui va pouvoir liquider les Polonais pas obéissants, et les ghettos. À cette « tournée de pacification », il gagne des galons, mais perd tout désir. Les permissions sont rares, éprouvantes pour le père à qui il refuse de parler, pour sa femme qu’il ne regarde plus, qu’il ne touche plus, pour sa mère dévorée d’inquiétude. En 1945, il sera « porté disparu ». Elga d’un mensonge « simple » a sauvé la petite Sarah que les policiers voulaient emmener à Auschwitz. Le grand-père meurt. Soixante ans plus tard, Véra raconte.
Le texte de José Pliya suscite les interrogations, sur la nature du Mal, sur la monstruosité, sur l’amour filial, sur notre responsabilité. Car nous, en 1941, si nous n’avions eu ni logement, ni travail, qu’aurions-nous fait ?
Isabelle Ronayette met en scène très intelligemment. Refusant le pathos, elle choisit de montrer Véra, sous les traits d’une vieille femme : Denise Bonal, et pour mieux accentuer la distance, Laurence Rebouillon filme en gros plan une dame digne et douce qui prend le thé, rêve un peu, s’essuie les mains, regarde au loin. Elle ajoute des plans du port d’Hambourg, de fleurs épanouies, de petite fille rieuse, et sur l’écran projette un film de sérénité retrouvée qui gomme la violence faite à l’enfant.
Reste le malaise de la famille dans l’espace naturaliste. Romain Bonnin est Julius, et avec son visage poupin, il inspire confiance. Comme beaucoup de pervers qui sommeillent. Chantal Garrigues joue la mère tout en retenue, une femme « peu affectueuse » qui n’extériorise rien. Agnès Pontier montre une Dörra secrète, impénétrable, froide en apparence, dévastée par un feu intérieur. Johan Leysen est peut-être trop discret, on l’imagine plus susceptible, plus brutal par moments, mortifère comme son dernier geste. Famille close, société funeste. Dans l’espace scénique imaginé par Annabel Vergne, seule la mère est à sa place, les autres s’observent, se dérangent, se gênent. Les spectateurs sont proches, installés en voyeurs.
C'est ainsi que les hommes vivent...
Texte édité à l’Avant-Scène théâtre, collection des Quatre-Vents
Prix : 8 €
Théâtre de la Tempête jusqu’au 12 février
01 43 28 36 36
18:44 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
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