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07/06/2006

Le panache de Cyrano

La nouvelle mise en scène de Cyrano de Bergerac va plaire.

Elle est signée Denis Podalydès qui fait du premier acte un mémorial d’amour à ceux de la Comédie-Française qui l’ont précédé. Il substitue les noms de Jean Piat, Jacques Charron, Robert Hirsch, Paul-Emile Deiber, Gisèle Casadessus, Claude Winter, "notre" Seigner, et Denise Gence, aux noms des comédiens d'un XVIIe siècle vu par Rostand. Il fait rimer Boudet avec godet, et Casile avec asile. Anne Kessler l’a secondé dans la réalisation d’une vidéo qui projette les visages de ces sociétaires. C’est bouleversant de fantaisie et de tendresse, et quelle délicatesse de sentiments ! C’est si rare aujourd’hui ! Il n’oublie pas non plus les « Immortels », les académiciens : Fumaroli, Robbe-Grillet, Decaux… On les cherche dans la salle. Il dédie ce spectacle au regretté Paul Rens, mort récemment, et qui a tant œuvré pour que les abonnés se sentent bien accueillis dans cette maison. Un bel hommage ! Denis Podalydès, comme Cyrano, a "moralement" des "élégances".

Il a également un imaginaire subtil. Au troisième acte, la scène du balcon flottera entre rêve et réalité. Roxane que les mots d’amour grisent devient aérienne, accrochée à ses rêves, portée par ses désirs, elle plane, littéralement. Ange vêtue de blanc, au-dessus du plateau, elle tend ses bras et ses lèvres à Christian, scène irréelle, en contre-jour, quand le « festin d’amour » poignarde Cyrano, cloué à la réalité terrestre…


Michel Vuillermoz est un Cyrano tel que Rostand l’eût aimé : bouillant, mais doux avec les dames et les faibles, redresseur de torts, rebelle, anticlérical et il exhibe hardiment un nez de belle envergure. Éric Ruf joue un Christian romantique, amoureux de la belle étoile Roxane dont Françoise Gillard porte joliment la brillance et l’aveuglement.
Trio gagnant à tous les coups et fort bien entouré par Éric Génovèse qui donne toute sa générosité à Le Bret, par Andrzej Seweryn qui rend sympathique de Guiche, ce noble de cour vaniteux et rancunier. Ragueneau trouve en Grégory Gadebois le joyeux compagnon, affable pâtissier ruiné par son amour de la poésie.

Pour tous les cadets de Gascogne, l’armée de marmitons, le cercle de Précieuses, le clan des poètes, le défilé des nonnes, les comédiens de la troupe se multiplient et changent d’uniformes avec une loyauté exemplaire. Pas une faille ! Pas une décoration ne manque, pas un lacet ne traîne. Il faut dire qu’avec des habits signés Christian Lacroix, qui choisit de mêler XVIIe et début du XXe, on ne pouvait mieux faire le moine… ou le soldat.

Éric Ruf signe aussi le décor. Il donne une superbe vision poétique de chacun des tableaux. On se souviendra longtemps du capharnaüm des coulisses, de la maison de Roxane cernée d'arbres champêtres, de ses coquelicots autour de la redoute, des nuages qui pèsent lourd sur le champ de bataille, et du fauteuil vénéré au centre d’un couvent plus deviné que construit.

De l’histoire qu’elle raconte, nous ne parlerons pas, vous la connaissez tous, l’histoire de ce disciple de Gassendi, poète et philosophe, qui pensait que les femmes ne pouvaient l’aimer parce qu’il était laid… Comme si les femmes s’arrêtaient à ce détail ! Il est tant de moyens de leur plaire, et, quand on les fait rire, qu’on leur écrit des vers, elles vous regardent mieux, et leurs yeux s’ouvrent sur ce que Philaminte appelait « la beauté que les ans ne peuvent moissonner » : l’intelligence. À croire que Roxane n’était pas aussi fine que Cyrano et Christian l’imaginent…
Qu'importe ! Dans notre époque qui manque singulièrement de panache, celui de Cyrano illumine...

 




Cyrano de Bergerac
d'Edmond Rostand
Comédie-Française
en alternance

du 27 mai au 23 juillet

15:20 Écrit par Dadumas | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer

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