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29/09/2006

Barouf sur le campiello

  C’est, une petite place bleuie de froid, au carrefour de plusieurs rues, dans un quartier populaire de Venise. Autour de l’auberge où loge « un  étranger » (puisqu’il n’est pas vénitien), des maisons étroites abritent le des filles à marier sous les fenêtres desquelles passent les tentateurs : mercier, marchand de loterie, chevalier.

Zorzetto (Loïc Corbery) installe sa loterie et réveille sa pratique. La mise est à un sou, et chacune peut grappiller ce « petit bonheur » pour effriter la dureté du quotidien. Il fait froid, nous sommes en février, et c’est Carnaval. Mais la joie ne règne pas chez les gagne-petit où les femmes sont vieilles avant l’âge, à force « d’avoir enduré », et où on « mange bien… quand on a de quoi ». Donna Pasqua (Catherine Hiegel)  et sa fille Gnese (Julie Sicard) font bien les fières dans leur misère. Avec Donna Catta (Catherine Fersen) et sa fille Lucietta (Léonie Simaga), elles ont le verbe haut, s’exaspèrent d’un rien, chicanent vite Orsola la friturière (Claude Mathieu) et son fils Zorzetto, et quand Anzoletto le mercier (Jérôme Pouly), qui « fréquente « Lucietta », d’une visite, fait un drame,  la dispute verbale dégénère en bagarre.

Le vacarme, c’est un peu leur manière de prouver qu’ils existent mais Fabrizio (Alain  Pralon), l’oncle de Gasparina (Anne Kessler), trouve leurs éclats vulgaires. On voit bien, au vocabulaire qu’il emploie, à l’accent ampoulé de sa nièce qu’il est d’une autre caste, même s’il est aussi décavé que le chevalier (Denis Podalydès), qui lui, dépense ses derniers ducats à amuser ces « gens indiscrets, malpolis, sans éducation », et surtout ingrats, puisque après le dîner arrosé qu’il leur offre, il n’y en a pas un pour le remercier.

Jacques Lassalle, le metteur en scène, peint les habitants de ce quartier avec plus de tendresse que de moquerie. Il décrypte le malheur qui les guette sous l’apparente joie des accordailles : Lucietta qui accepte la gifle du fiancé, n’est-elle pas déjà une épouse battue et soumise ? Gnese qui travaille pour faire vivre sa mère et se résigne à attendre les épousailles, n’est-elle pas déjà une femme sacrifiée ? Quant à Gasparina, quelle confiance peut-elle accorder à ce chevalier qui discute âprement les modalités du rachat de ses créances ?

La lumière de Franck Thévenon embellit ce quartier pauvre de la lagune. Les comédiens sont tous parfaits. Grâce à leurs trouvailles, on admet que les parties les plus joyeuses soient teintées de mélancolie, ainsi ces musiciens  aveugles plus proches d’une vision de Bunuel que d’un film de Fellini. On admire aussi le respect du texte et les variations de registre qui rebondissent de scène en scène.

Quand on se dispute à Venise, le « barouf », c'est du bruit pour quelque chose.

 

Il Campiello de Goldoni

Comédie-Française

du 16 septembre au 31 janvier.

0825 10 16 80

18:10 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer

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