26/03/2007
Art scénique et vieilles querelles
Les vieux époux ne sont pas toujours des Philémon et Baucis. Beaucoup ressassent les vieilles querelles, les trahisons passées, les anciennes humiliations. Ils ne se battent pas, mais de phrases assassines en postures rancunières, ils se blessent, s'avilissent, et quand ils le peuvent, ils se vengent. Les mauvaises disputes produisent souvent d’excellentes scènes théâtrales.
Avec Strindberg, dans Danse de mort, Alice et son Capitaine de mari jouent sur le registre tragique, la mésentente d’un couple qui n’a plus pour liens que ses haines réchauffées par la venue d’un tiers. En France, Courteline à la même époque, nous faisait rire chez Les Boulingrin. En ce moment, sur les scènes parisiennes on joue toujours Danse de mort, on va jouer Les Boulingrin, et on découvre deux nouvelles pièces sur le même thème : La Festa de Spiro Scimone, au Vieux-Colombier, et Tchekhov a dit adieu à Tolstoï de Miro Gavran au Silvia Monfort.
Spiro Scimone est italien, Miro Gavran est croate. Mais l’identité nationale ne fait rien à l’affaire.
Dans La Festa de Spiro Scimone, Christine Fersen la mère, Gérard Giroudon le père, ont le verbe rare, le regard fuyant. Ils regardent le vide dans la même direction, mais il y a belle lurette qu’ils ne se disent plus que des mots de mépris. La scénographie étrange de Saskia Louwaard et Katrijn Baeten, construit deux cages de verre pour les pièces de l’intimité : salle de bains et cuisine, qui nous montrent en caleçons le père grincheux et le fils obèse (Serge Bagdassarian) dans un décor blanc, irréel et froid. Ils ne se sont eux, jamais aimés. Lumières et vidéo, dans la mise en scène de Galin Stoev, corroborent cette impression d’observation clinique. Ils sont terrifiants.
Dans Tchekhov a dit adieu à Tolstoï, Miro Gavran déboulonne la statue de Tolstoï. Le grand romancier vieillissant est un être vaniteux, atteint de solipsisme. Il a invité Tchekhov et sa femme Olga, uniquement pour que le jeune écrivain (il a trente ans de moins que lui) rédige « Conversations avec Tolstoï », à la manière d’Eckermann pour ses Conversations avec Goethe. Mais les relations se gâtent très vite, car Tolstoï (Jean-Claude Drouot) est odieux avec son épouse Sophia (Marie-France Santon), tandis qu’Olga (Camille Cottin) et Anton (Vincent Primault) filent le parfait amour. Pour se venger Sophia jouerait bien la femme de Putiphar avec Anton et Léon, l’écornifleur, avec Olga. Comme chez Les Boulingrin, le salut est dans la fuite, Tchekhov et Olga disent « adieu », tandis que le couple maudit se ressoude dans l’alcool.
Jean-Claude Drouot campe un hallucinant Tolstoï barbu, suffisant et lubrique. Marie-France Santon en harpie séductrice est inénarrable. Bien sûr, les puristes vont crier au scandale, que Tolstoï n’était pas comme ça, que Tchekhov était moins fringant et Olga, et Sonia... Mais foin de la vérité historique ! Si Tosltoï passe un sale quart d’heure, le spectateur passe un bon moment.
La Festa de Spiro Scimone, au Théâtre du Vieux-Colombier
location : 01 44 39 87 00/01
Tchekhov a dit adieu à Tolstoï de Miro Gavran au Théâtre Silvia Monfort.
location : 01 56 08 33 88
22:35 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer
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