16/03/2008
Le triomphe de la bâtarde
Marie Stuart était l’enfant légitime de Jacques V roi d’Écosse et de Marie de Lorraine. Elle n’avait que sept jours quand le roi son père mourut et elle fut proclamée reine d’Écosse. Les Anglais voulaient s’emparer de l’enfant pour la marier à Edouard, fils de Henry VIII. La régente s’empressa de la fiancer à François, le fils de Henri II, roi de France, et on envoya Marie apprendre le français, les bonnes manières et la poésie dans ce royaume tandis que les Anglais et les Ecossais s’étripaient. Elle n’avait pas six ans.
On raconte que Ronsard ne fut pas insensible à son charme. Hélas ! Quelque mauvaise fée fit mourir François II à dix-sept ans et la jeune veuve dut repartir sur ses terres sauvages où les clans s’affrontaient entre eux et contre le trône d’Angleterre ! Elle avait à peine dix-huit ans.
Elle était restée catholique et l’Angleterre était devenue protestante, l’ Écosse était divisée sur les religions, Marie choisit la tolérance religieuse. On l’adora.
Remariée à son cousin, Henri Darnley, elle eut le temps de mettre au monde un petit Jacques avant de redevenir veuve. Mais la mort de son prince consort ressemblait fort à un assassinat, et de scandale en scandale, Marie dut abdiquer, et elle choisit, la malheureuse, de se réfugier à la cour d’Angleterre, où sa cousine Élisabeth avait été proclamée Reine à la mort de Marie Tudor.
Rappelons que cette dernière était fille légitime d’Henry VIII et de Catherine d’Aragon, tandis qu’Élisabeth était la fille de Henry VIII et de sa seconde épouse, Anne Boleyn à cause de laquelle, le Roi avait rompu avec le pape. Mais comme très rapidement, Henry avait fait exécuter Anne pour en épouser une autre, Élisabeth avait été déclarée « bâtarde ». Et, donc Marie Stuart pouvait prétendre au trône d’Angleterre.
Or c’est très maladroit de réclamer le trône d’une reine quand on demande le droit d’asile ! Élisabeth tenait à sa légitimité, et Marie campait sur ses prérogatives. Pendant dix-huit ans, Élisabeth la laissa réfléchir de prison en prison. Et comme finalement, les monarques trouvent toujours un petit complot à déjouer, Élisabeth la fit accuser de trahison, et la pauvre Marie fut décapitée. La bâtarde triomphait.
Les romantiques adoraient ces épopées où la victime est belle, et le bourreau (ici c’est une bourrelle) impitoyable. Schiller en fit un drame superbe. Fabian Chappuis qui le met en scène a retravaillé la traduction de Latouche et il en donne une version magnifique*. La langue est pure, drue, charnelle. Sa scénographie d’oratorio dépouille judicieusement le décor. Les murs sont gris, le sol de « sable » noir scintille sourdement, les costumes d’Alice Bedigis et Bertille Verlaine sont sobres et réussis. La musique de Purcell guide les séquences.
Dans le rôle titre, Isabelle Siou est la belle et orgueilleuse Marie, frémissante dans son injuste emprisonnement. Pour l’accompagner dans sa solitude, une suivante, Anna, jouée par Stéphanie Labbé émouvante dans sa manière d’envelopper la captive de la tendresse maternelle qui lui a tant manqué. La méchante Élisabeth, c’est Marie-Céline Tuvache. Elle avait déjà, dans Le Collier de perles du gouverneur Li-Qing, montré une forte personnalité, elle sait ici, être à la fois une femme douloureuse, aigrie de solitude, et un chef autoritaire et jaloux. Retenez les noms de ces jeunes comédiennes, elles servent admirablement les grands rôles.
Autour d’elle, deux comédiens, Pascal Ivancic et Philippe Ivancic transforment deux rôles secondaires, en un numéro clownesque shakespearien de grand style. Sébastien Rajon, Jean Tom donnent du relief à leurs personnages. On aimerait que Jean-Christophe Laurier, Benjamin Peñamaria, Aurélien Osinski, jouent un peu moins « boulevard du crime ». Ils ont de la présence, il leur manque l’expérience et un drame romantique en requiert.
Soir après soir, ils vont enrichir leur personnage et comme ils n’auront vu dans mes propos que des remarques de vieille ratiocineuse, mes réticences vont les stimuler !
Marie Stuart de Friedrich Schiller
· Adaptation de Fabian Chappuis, publiée par les soins du Théâtre 13 dans la collection des « inédits du 13 », Les Cygnes, 10 €
· Théâtre 13
· Jusqu’au 20 avril
· 01 45 88 62 22
21:15 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, théâtre | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Certes j'aimerais être stimulé par vos commentaires mais que veut dire
jouer "Boulevard du crime" ? J'attends avec impatience vos explications pour que je puisse améliorer mon jeu et parfaire mon expérience.
Bien à vous
Jc Laurier
Écrit par : Jean-Christophe Laurier | 27/03/2008
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