Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/04/2009

Une illusion magique

 

 En 1987, Giorgio Strehler avait présenté, en italien, sur la scène de l’Odéon, La Grande Magie d’Eduardo de Filippo qui nous avait enchantés. Quelques années plus tard, Lisa Wurmser, à la Tempête avait ravivé les charmes de la fable. Aujourd’hui, la pièce entre au répertoire de la Comédie-Française et cet événement nous réjouit, car l’auteur, comédien et chef de troupe à la manière de Jean-Baptiste Poquelin, méritait cette consécration.

La pièce nous plonge dans l’univers de l’illusion et donc du théâtre, avec les tours de « magie » d’un prestidigitateur décavé, Otto Marvuglia (Hervé Pierre) plus chevalier d’industrie que thaumaturge. Il exerce ses talents à l’hôtel Excelsior, afin de distraire les clients en villégiature. Y séjourne le couple Di Spelta, Marta (Coraly Zahonero) et Calogero (Denis Podalydès). Il est jaloux et se défend de l’être. Elle est volage et son amant, Mariano d’Albino (Michel Favory) achète les services du « mage », afin de faire disparaître la belle, pendant « un quart d’heure » dit-il. Des complices préparent le public, Gervasio (Jérôme Pouly) et Arturo (Alain Lenglet) flanqué de sa fille Amélia (Judith Chemla), ne tarissent pas d’éloges sur le spectacle « époustouflant » de Marvuglia, tandis que Calogero, sceptique affirme que « tout est truqué », et qu’il est « heureux parce qu’[il ne se fait] jamais d’illusions ».

La suite naturellement nous prouve le contraire. Marta, volontaire pour le numéro du sarcophage, ne réapparaît pas, et pour cause : son amant l’a enlevée… Calogero réclame sa femme. Marvuglia ne peut la ramener. Mauvais magicien mais bon diable, Marvuglia est un excellent bonimenteur et un psychologue charitable, il donne au mari abandonné une boîte laquée, genre boîte à cigares, qui est censée contenir sa femme. « Si vous ouvrez cette boîte sans y croire, vous ne la reverrez jamais », s’il est convaincu, il n’a pas besoin d’ouvrir la boîte…

La supercherie durera quatre ans, et quand Marta reviendra, Calogero préférera garder la boîte et son mystère plutôt que de reprendre une femme qu’il ne reconnaît pas.

Cette histoire d’amour et de mystification, sert de trame à une peinture des mœurs. Les petites gens de Naples vivent d’expédients et meurent faute de soins, les familles jalouses et avides de respectabilité ignorent la compassion. Pièce pour une troupe d’acteurs, Claude Mathieu, Isabelle Gardien, Cécile Brune, Loïc Corbery, Judith Chemla, Jérôme Pouly et Alain Lenglet animent avec maestria cet univers en se multipliant. Ils rendent réel ce qui pourrait passer pour invraisemblable.

Dan Jemmett, le metteur en scène, suit le protagoniste dans son enfermement progressif (scénographie de Dick Bird). Du décor de carte postale du premier acte, ouvert sur une terrasse accueillante, on passe au logis d’un quartier populeux, puis au salon vide de Calogero cerné de hauts murs et de portes gigantesques.

Denis Podalydès émeut profondément avec ses allures de Charlot (La Ruée vers l’or), ses larmes de Pierrot solitaire pleurant sa Colombine, ses yeux égarés de naïf accroché à sa boîte comme à un talisman. Hervé Pierre, massif, puissant, campe un Marvuglia complexe, tour à tour cruel et bienveillant. Le « troisième œil », du mage n’est pas « le mauvais œil » des sorciers. Il envoûte seulement les spectateurs. Ils sont venus pour ça ! Et c'est magique...

 

 

La Grande Magie d’Eduardo de Filippo

Texte français d’Huguette Hatem, version scénique de Huguette Hatem et Dan Jemmett

Comédie-Française, salle Richelieu

0825 10 16 80

Les commentaires sont fermés.