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06/12/2010

Éloge du sublime

 

 

 

Qui peut aujourd’hui comprendre qu’une femme brûlant d’amour pour un homme qui l’aime en retour, se refuse à lui, par fidélité à un mari qu’elle estime, mais n’aime pas ? Peu de gens… En effet, le sublime est passé de mode et les mœurs se complaisent dans l’assouvissement. Les humains, faute de sentiments cèdent à leurs pulsions. Aussi était-il hasardeux de proposer une adaptation de La Princesse de Clèves pour la scène. Laurence Février a tenu le pari. Vêtue d’une robe de cour rouge, elle va nous dire les moments les plus beaux de ce premier roman de notre littérature, sous le titre évocateur de La Passion corsetée. Car il s’agit de bien se tenir. Mme de Clèves ne donne pas son soulier de satin à la Vierge, afin de ne pas boiter vers la tentation. Elle marche droit. C’est en elle-même qu’elle puise le courage de ne pas trahir, rester maîtresse de soi.

La scène est vide d’accessoires ou de mobilier. Pour tout décor, des panneaux étroits de tissus lamés tombent des cintres. Elle circule entre ces « colonnes » en racontant rencontres et coup de foudre, hésitations, jalousies, désespoir, accord des cœurs et des âmes. Sa voix aux finales chantantes fait vibrer d’émotion l’auditoire. Belle leçon de morale qu’un public jeune écoute religieusement.

Je me suis souvenue de cette classe de seconde, alors que professeur stagiaire, j’avais choisi d’expliquer la scène de l’aveu. Mon mentor avait eu un sourire narquois : « vous croyez que ça va les intéresser ? Moi, je ne m’y risque pas… ». Et j’ai commencé : « Monsieur je vais vous faire un aveu que l’on n’a jamais fait à un mari… ». Le silence a gagné. On n’entendait plus chuchoter, pas un siège ne raclait le sol, aucun stylo n’est tombé, aucune question ironique n’a été posée, mais ils répondaient aux miennes avec un intérêt soutenu. Pas un ricanement n’a interrompu les explications, et à la fin du cours, ils m’ont demandé comment se procurer le livre « en entier ».

Si vous allez voir Laurence Février, vous aussi, vous aurez envie de lire La Princesse de Clèves.

 

 

 

 

La Passion corsetée d’après La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette

Théâtre du Lucernaire

du mardi au samedi à 20 h

01 45 44 57 34

Commentaires

C'est très beau et très intéressant ce que tu écris! On a envie d'aller voir le spectacle! Et je peux répondre à ta question: oui...ces femmes existent encore!!!!!
Bonne idée de relire la princesse de Cleves...
Bise à toi
Guy

Écrit par : guy LOPINTO | 06/12/2010

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