27/11/2010
Les mineurs à l’expo
Ils n’étaient jamais allés plus loin que Newcastle, et certains n’étaient jamais sortis d’Ashington. Ils n’avaient jamais mis les pieds dans un musée. Mais grâce à « l’association pour l’éducation des ouvriers », pour la modique somme de six pence en 1934, les mineurs ont décidé de se cultiver.
George (Jacques Michel) aurait préféré un cours d’économie mais « le seul professeur qu’il pouvait avoir était celui de sensibilisation artistique ». Jimmy (Bernard Ballet), est suspicieux, Harry (Eric Verdin) sceptique, Oliver (Robert Bouvier) vite convaincu, et le P’tit’ gars (Arthur Vlad) bien décidé à se faire accepter. Leur mentor, Robert Lyons (Thomas Cousseau) se sentant dépassé par leur ignorance, choisit d’être pragmatique : « Peignez ! Dessinez ! ». Et, ils se lancent. Maladroits, mais critiques, ils créent, ils expliquent, ils jugent. Sur toile ou sur bois, ils illustrent leur quotidien, leurs pensées. Les personnages sont petits, la brouette grosse comme un wagon, le chien comme un mouton, mais il « s’agit de s’exprimer », et eux qui ne possédaient guère de vocabulaire apprennent à maîtriser la forme, à chasser leurs préjugés. Les tempêtes bibliques qui ne les intéressaient guère deviennent des sujets réalistes. Et Suzan (Carine Martin) impose le nu, qui les choquait tant.
(photo : David Marchon)
Helen Sutherland (Odile Roire), collectionneuse riche et fantasque s’intéresse à eux, elle achète une toile, et organise une expo. Elle propose à Oliver, qui a « un don », et pense « comme un artiste » de quitter la mine. Ira-t-il, en 1936, jusqu’à vivre comme un artiste ? Oliver est soutien de famille, il n’est pas de ceux qui abandonnent leurs frères. Il restera « un amateur ». Ils le resteront tous. Sauf le P’tit gars, un orphelin, qui s’engage en 1941, pour aller combattre en Normandie et n’en reviendra pas.
Lee Hall, dans Les Peintres au charbon inspiré du roman de William Feaver, raconte une histoire vraie, celle d’un groupe qui ne « se contente pas de ce qu’on lui a donné », une histoire d’hommes, d’amitié, d’aspiration à une vie meilleure.
« Mais l’art ne suffit pas ». Le fond social et politique malmène ces hommes de bonne volonté.
La traduction de Fabrice Melquiot est vivante et précise, les « cartons » projetés fixent les repères historiques. Marion Bierry, pour sa mise en scène a choisi la simplicité : quelques chaises, un chevalet, un mur translucide (scénographie de Gilles Lambert) qui joue avec ses angles (lumière de Laurent Junod), et des comédiens aguerris,
On n’en sait peut-être pas assez sur la vie de ces mineurs, mais on sait tout sur la mentalité des intellos qui les méprisent ou les exploitent. Leur professeur, nommé à Edimbourg, grâce au mémoire qu’il a rédigé sur le groupe, peint des toiles académiques qui ne disent rien sur la vie de ses hommes. Et Helen est passée à d’autres engouements. La mine a fermé en 1981, mais leurs œuvres (au nombre de quatre-vingt-six) sont exposées au Woodhorn Colliery Museum. Si vous ne pouvez aller dans le Northumberland, allez admirer les Peintres au charbon. Ils disent l’éternel combat contre l’ignorance.
Comédie sociale ? Oui, de la meilleure eau !
Les Peintres au charbon de Lee Hall
Jusqu’au 22 décembre
01 43 56 38 32
21:23 Écrit par Dadumas dans exposition, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, comédie sociale, peinture | Facebook | | Imprimer