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10/12/2010

Noirs plaisirs

 

 

Le docteur Faust a-t-il réellement existé ? On le dit. Il aurait, à Cracovie ou à Erfurt arrêté le « fléau de Dieu », c’est-à-dire la peste noire. Il s’était alors cru l’égal du Créateur, et, assoiffé de Pouvoir, se serait adonné à la magie pour assouvir de noirs plaisirs. Christopher Marlowe qui ne croyait guère en Dieu s’empara de cette légende allemande pour écrire, à la fin du XVIe siècle, La Tragique histoire du Docteur Faust, le fameux magicien et maître de l’art ténébreux; comme il se vendit au diable pour un temps marqué, quelles furent, pendant ce temps-là, les étranges aventures dont il fut témoin ou qu’il réalisa et pratiqua lui-même, jusqu’à ce qu’enfin il reçut sa récompense bien méritée. Au XXIe siècle, ce personnage reste fascinant et un jeune metteur en scène Victor Gauthier-Martin lui donne un visage étonnant.Faustus3_026N.jpg

Le Dr Faustus (Philippe Demarle) promène une silhouette de rocker (Costumes : Marie La Rocca).

La magie d’aujourd’hui ? Faustus3_052.jpgLa technologie qui inonde notre univers.

Images et sons déferlent, s’incrustent, se déforment, les lumières (Pierre Leblanc) dansent. Juché sur un podium de concert rock, (scénographie : Jean-Baptiste Bellon) manipulant caméras et micros, scalpels et moniteurs, Faust, cynique, glisse vers d’inquiétantes dérives scientifiques.

Les pentagrammes surgissent sur des écrans, les visages se transforment en masques hideux (Vidéo : Julien Delmotte). Au fond, sur le plateau, Gaëtan Besnard dirige la régie vidéo, et Dayan Korolic joue sa musique en direct, à la guitare électrique. Ce sont leurs voix qu’on entendra dans le dialogue entre le bon et le mauvais ange.

Wagner (Thibaud Saâdi) l’assistant, s’enfuit. Alors surgissent les démons que Faust a appelés : Méphistophélès est double, Lilith ou succube (Clémence Barbier) et son alter ego masculin (Frank Semelet). Lucifer (Alban Aumard) est unique, il conduit le concert des péchés. Anne-Schlomit Deonna (L’Avarice, la Gourmandise), Pascale Oudot (La Colère, la Luxure), Thibaud Saâdi (l'Envie, la Paresse).

Les mêmes comédiens interpréteront encore le pape et sa curie, avec passion. Ici, rien n’est sacré, et surtout pas l’Église. Pape et empereur, goupillon et sabre, Marlowe ne respecte rien. Il exhibe leurs bassesses, et Faustus ricane des bons tours qu’il leur joue. N’attendez ici nulle rédemption. Faustus a choisi. Il préfère brûler sa vie terrestre, car il se moque de l’éternité.

Le spectacle est total, impressionnant, fantastique. Il fera date.

Il a été créé au Théâtre de Carouge-Atelier de Genève. Dans un mouvement perpétuel, parfaitement orchestré, l’équipe mène le spectateur au-delà des clichés convenus que l’opéra et le cinéma (de Murnau) ont fixés dans les mémoires. C’est un Faust étrange mais terriblement contemporain que nous propose Victor Gauthier-Martin ! Ce bouleversement des habitudes fera-t-il réfléchir au sens du mythe ?

 

Docteur Faustus de Christopher Marlowe, traduction de Jean-Louis Backès

Théâtre de la Ville (Abbesses)

Jusqu’au 18 décembre

01 42 74 22 77