09/12/2014
Les vieilles dames indignes
Vous n’avez jamais vu ça ! Ils sont plus de cinquante sur le plateau. Une trentaine issus du Saitama Gold Theater, les anciens qui ont entre 61 et 88 ans, et vingt-six jeunes du Saitama Next Theater. Et les plus ramollis ne sont pas les vieillards. Pardon, les vieillardes…
Elles sont terribles ! La Vieille Bombe, la Vieille Chauve, et toutes les grands-mères qu’on représente toujours gentilles, indulgentes, protectrices, sont ici des furies, mues par la haine et le désir de vengeance.
Alors ils vont déguster. Ils ? Les hommes d’abord, maîtres incontestés de leur destin depuis des siècles, voire des millénaires, engeance hypocrite et injuste, coupables de tous les maux de la société : « saleté de code civil ! » Ensuite, ce sera le tour des enfants et les petits-enfants n’y survivront pas.
Tout commence avec l’arrestation de deux étudiants et leur présentation au tribunal N°8. L’une des Grands-mères est convoquée. Le Procureur est partial, le juge brutal, l’avocat commis d’office incapable de trouver le bon dossier. La grand-mère ratiocine. Le juge l’expulse. Grave erreur ! Car une armée de vieilles envahit le tribunal et s’y installe. « Elles sont folles ! » clament les fonctionnaires. Elles prennent le pouvoir, bousculent les procédures, humilient les magistrats, et provoquent un séisme, alimentent une émeute. Tout finira très mal. Pour tous. Les vieilles dames indignes seront massacrées avec leurs otages. N'était-ce pas ce qu'elles souhaitaient ?
On pensait qu’Aristophane avec L’Assemblée des femmes avait égratigné la société athénienne. Kunio Shimizu et son metteur en scène Yukio Ninagawa, la passent au vitriol. Ceux sur qui repose le salut de la société ne gagnent pas et l’impérialisme japonais peut battre sa coulpe. « Peine de mort » pour ceux qui avaient l’habitude de prononcer des sentences capitales, pas de faiblesse pour la famille, à bas le népotisme !
Explosions, fumigènes, bruit de fusillades, vrombissement d’hélicoptères, le spectacle suggère la violence d’une société mortifère. « Il ne nous reste qu’à rajeunir »… ou ressusciter d’entre les morts. Mais les ténèbres sont profondes et les corbeaux des charognards.
On ne sort pas indemne de ce spectacle. Et mes petits-enfants feraient bien de se méfier de leur grand-mère !
Photos © Maiko Miyagawa
Corbeaux ! Nos fusils sont chargés ! de Kunio Shimizu
mise en scène de Yukio Ninagawa.
japonais surtitré en français
spectacle créé à Tokyo en 1971, reprise.
Jusqu’au 12 décembre au Théâtre de la ville
www.theatredelaville-paris.com
01 42 74 72 77
16:39 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre japonais, théâtre de la ville | Facebook | | Imprimer