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12/01/2007

Judith ou la force fragile

 

On connaît le personnage biblique de Judith, la jeune veuve juive qui pour épargner à ses compatriotes le massacre d’une bataille inégale, s’offrit au général assyrien qu’elle décapita après une nuit d’amour. Judith inspira beaucoup les peintres, et un peu les poètes.

Jean-Paul Wenzel a mis en scène celle d’Howard Baker : Judith et le corps séparé. Holopherne (Mohamed Rouabhi) est ici un « homme hanté par la mort », et Judith (Lou Wenzel », est accompagnée d’une matrone ambiguë (Camille Grandville), mi-entremetteuse, mi-commissaire politique. C’est elle qui offre Judith au conquérant, c’est elle encore qui la rappelle à son devoir, surveille l’exécution, opère la mutilation et emballe la tête trophée. Elle ordonne et admoneste, jusqu’au retournement final, où le meurtre expiatoire accompli, Judith devient, comme les sauveurs patentés, ingouvernables. On pense à l’Horace de Corneille, et on comprend que « faisant triompher Israël, elle se l’est asservi ». Camille Grandville interprète ce personnage puissant avec un art grandiose.

Barker, comme le Shakespeare de Titus Andronicus, n’hésite ni devant le sexe, ni devant le sang. Il n’écrit pas pour les âmes pures, il écrit pour les humains ordinaires, prêts à tout pour sauver leur peau. Judith n’est ni une Médée, ni une Jeanne d’Arc. Elle n’a que la force fragile de celles qui, mues par la peur, poussées par l’instinct de vie, deviennent capables du pire. Lou Wenzel tremble et se raidit, elle n’a pas encore la sensualité mortifère de la mante religieuse, mais elle en impose dans la méchanceté finale. Elle est une Judith qui dérange, une héroïne inquiétante. Mohamed Rouabhi joue en héros mélancolique et convainc de son désespoir.

Jean-Paul Wenzel a choisi judicieusement la salle dite du planétarium pour monter ce spectacle. Le plafond a la forme de dôme voulu. On ne s’étonnera donc pas de se trouver sous les étoiles, près de la tente assyrienne ouverte (décor de Jean Haas), que les lumières de  Pascal Sautelet découpent latéralement. Témoins du crime, les spectateurs entendent les sons de Philippe Tivillier qui évoquent l’armée qui dort, puis qui s’éveille non loin de là, et ils tremblent que les deux femmes ne soient capturées. Puissante évocation qui suscite les craintes, et peut-être aussi la  pitié qui, pour Howard Barker, mène à l'amour.

 

 

 

 

 

Judith ou Le Corps séparé d’Howard Baker

Nanterre-Amandiers

Jusqu’au 11  février

 

01 46 14 70 00  

 

08:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

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