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12/09/2008

L’amour qui n’ose pas dire son nom

Il faut beaucoup de tact pour parler de l’adolescence et peindre cet « éveil du printemps ». Il faut de l’audace aussi. Jean-Marie Besset depuis vingt ans nous parle de l’amour qui n’ose pas dire son nom. Il montre les drames qu’il provoque, les incompréhensions qu’il suscite, les choix qu’il impose face aux contraintes d’une société close. Pièce après pièce, Jean-Marie Besset explore les raisons du cœur, les affinités électives et ses personnages revendiquent une morale ouverte. Pièce après pièce, Jean-Marie Besset bouscule les préjugés et raisonne au nom de la liberté. Son théâtre est donc essentiel.

Perthus, sa nouvelle pièce est une œuvre de maturité. Avec une sensibilité rare, une écriture parfaite, il reprend des thèmes chers à Wedekind et, les renouvelant, donne à ses adolescents une universalité actuelle.

Paul (Jonathan Drillet) est un littéraire, il admire Jean-Louis (Robin Causse), un nouvel élève brillant qui surpasse tous ses condisciples, surtout en mathématiques. On a souvent besoin d’admirer avant d’aimer. Jean-Louis devient son héros, - comme dans L’Ami retrouvé de Fred Ulhman. Leur complicité s’établit d’abord par le biais d’une fiche de lecture à rédiger sur La Princesse de Clèves. Ce roman n’est-il pas celui qui initie les amants aux codes secrets de la passion, à la défiance du regard des autres, à la maîtrise de soi ?

Les autres ici, ce sont les parents, et toute la petite bourgeoisie provinciale à l’esprit étroit du Perthus (Pyrénées orientales). Nous n’en verrons que deux modèles : les deux mères. Irène (Jean-Paul Muel), mère de Paul et Marianne (Alain Marcel), mère de Jean-Louis. 8df7afa8f46c08fa2d63ff861ed900ac.jpgToutes deux, « mères parfaites », prêtes à tous les sacrifices, elles acceptent l’infidélité de leur mari par dévotion à leur fils. Jean-Louis et Paul vivent une relation d’amitié qui pourrait basculer vers l’amour. Nous savons bien que la tentation du fruit défendu appartient à l'humanité entière. Marianne craint que Jean-Louis ne devienne homosexuel. Elle le pousse à consommer des filles. Et, pour rester le fils chéri, Jean-Louis obéit à Maman. Un jour, il est accusé de viol. La belle amitié vole en éclats. Paul ne s’en remettra jamais tout à fait.

 

52b34123bf87023a4323ccf2a3c74bbc.jpgGilbert Désveaux a choisi la sobriété pour sa mise en scène. Le fond de scène est pâle maculé de bleu, coulures d’orage ou taches d’encre, des jaspures mordent l’horizon. Des estrades de bois forment un podium sur la scène. Quatre chaises de bois à l’armature tubulaire constituent les seuls éléments de décor, elles sont surdimensionnées, aussi hautes que les hommes qui les déplacent. D’abord alignées, les unes derrière les autres, deux changent d’orientation, se font face pour une conversation amicale. Puis on en range trois, et leurs sièges forment un châlit supérieur, le piétement, la couchette inférieure. À la fin, il n’y aura plus de sièges, juste la surface lisse des tombes alignées sur lesquelles Paul et Jean-Louis viennent se recueillir le jour des Morts.

Le temps passe et l’amitié ne résiste pas. Paul et Jean-Louis n’ont plus rien en commun. Seul demeure l’amour des mères qui, elles, ont su trouver le chemin de l’amitié, à travers le soin qu’elles ont eu pour leur fils. Vient alors tout naturellement pour Marianne la comparaison avec Marie, la mère de Jésus. La relecture de l’Évangile par Jean-Marie Besset atteint la cocasserie d’un Dario Fo.

Que Gilbert Désveaux et Jean-Marie Besset aient confié le rôle des mères à des hommes est à la fois explicite de la relation exclusive qu’elles entretiennent avec leur fils, et embarrassante, car comment trouver à Marianne le « sex-appeal » que lui attribue son fils ? Mais comme les deux jeunes gens semblent encore plus fragilisés par ces mères dévorantes, c’est sans doute ce que souhaitait l’auteur…

 

Photos Brigitte Enguerand

Perthus de jean-Marie Besset

Théâtre du Rond-Point

01 44 95 98 21

Salle Tardieu, 21 h

09:55 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

Commentaires

Perthus reprend au théâtre marigny à partir du 24 février 2008, à 18H30

Écrit par : blabla | 31/12/2008

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