11/09/2015
Chers voisins
Le théâtre de Michel Vinaver parle des rapports humains. Il met en perspective l’intimité des familles et les crises sociales au sein des entreprises. Il mêle le réalisme quotidien de la nourriture, des questions sociales, et des mythes très anciens, comme dans Les Voisins, celui de l’or maudit.Il projette sur le ici et maintenant de la pièce, les vicissitudes du passé des personnages et les éléments de l’avenir.
Dans cette pièce écrite en 1984, et créée en 1986, deux familles affrontent une existence plus chaotique qu’il n’y paraît et qui ressemble à celle des familles de 2015 que la crise menace.
Blason (Patrick Catalifo), a élevé seul sa fille Alice (Alice Berger). Sa femme est morte dans un accident de voiture. Il travaille dans une compagnie d’assurance. Son voisin, Laheu (Lionel Abelanski), employé à l’Universel Biscuit a un fils Ulysse (Loïc Mobihan). Plus d’épouse de ce côté-là non plus. La femme de Laheu a abandonné le foyer. Une terrasse joint les deux maisons, et les deux familles s’y retrouvent. On y discute nourriture et boissons, rivalités au sein des entreprises, salaires, travail et avenir puisque les deux enfants s’aiment et veulent vivre ensemble.
Blason préférerait qu’ils aillent un peu « vers d’autres pour être sûrs de ne pas se tromper. » Mais les jeunes gens ont des souvenirs, des émotions, des projets communs. Et les pères aussi. Blason thésaurise pour l’avenir sous forme de lingots, Laheu n’a pas d’économie, mais beaucoup de cordes à son arc. Alice vient d’obtenir de l’avancement, Ulysse commence à se faire une clientèle.
Mais voilà que la maison de Blason est cambriolée. Qui connaissait la cachette des lingots ? Qui en a parlé ? Les soupçons s’insinuent, fermentent. Les accusations surgissent, les présomptions deviennent accablantes. Un cinquième personnage, invisible, une certaine Daphné, patronne d’Ulysse envenime et détruit les liens des « voisins ». Blason accuse ses chers voisins de « candeur » et Laheu échafaude un passé délictueux à Blason.
La situation dramatique pourrait virer à la tragédie. Mais Michel Vinaver ne laisse jamais au spectateur le temps de s’émouvoir. Il l’oblige à se questionner sous l’apparent discontinu des séquences. Il le contraint à relier les événements, à combler les ellipses temporelles. « Il n’y a pas de hasard » pour ses personnages. Blason et Laheu pourraient s’entretuer, Ulysse et Alice devenir Roméo et Juliette.
Il n’en est rien. Dans l’univers de Michel Vinaver les humains reconnaissent que l’or est maudit, qu’ils peuvent eux-mêmes trouver une solution à leurs problèmes, et inverser le cours des destins.
Marc Paquien, qui met en scène, restitue fidèlement l’atmosphère de cette amitié. Il souligne la tension et la désillusion par un horizon noir constant (Lumières Pierre Gaillardot). La terrasse se déconstruit, s’anéantit (scénographie de Gérard Didier et Ophélie Mettais-Cartier) mais les personnages restent debout. Fragilité des choses contre solidité de l’homme qui semble tout perdre mais se reconstruit sans cesse. Les comédiens interprètent cette opposition avec virtuosité.
© : D. R.
Les Voisins de Michel Vinaver
Mise en scène de Marc Paquien
Depuis le 4 septembre.
Théâtre de Poche
01 45 44 50 21
du mardi au samedi 21 h, dimanche 15 h
16:17 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche-montparnasse, michel vinaver, marc paquien | Facebook | | Imprimer
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