25/03/2017
Malaise chez les petits-bourgeois
Madeleine (Christine Peyssens), est une fille exemplaire. Elle héberge sa mère veuve, Bon Maman (Yvette Poirier), et veille sur sa santé. De son côté, Lucien (Patrick Pelloquet), remplit soigneusement ses devoirs filiaux en recueillant son vieux Papa (Gérard Darman), veuf lui aussi. On devrait les féliciter pour leur comportement édifiant. Mais la façade se fissure dès la première syncope de Bon Maman, c’est-à-dire dès les premières minutes du Serment d’Hippocrate. Il y a un malaise chez les petits-bourgeois. Et les bonnes intentions deviennent caricatures.
Les Comédies baroques de Louis Calaferte peignent les travers d’une humanité mesquine et souvent stupide, où les liens familiaux servent de prétexte à l'assujettissement et où « ceux qui savent », manipulent les innocents. On ne raisonne pas, mais les bruits de la société y résonnent. Et ça grince !
Dans Le Serment d’Hippocrate, face à un symptôme clinique : « une bonne petite syncope », une famille ordinaire, confiante dans le savoir des professionnels, se trouve confrontée à des médecins obsédés par la pathologie de leur spécialité.
Toinette dans Le Malade imaginaire répétait « Le poumon ! », ici, le docteur Blondeau père (Pierre Gondard) ne soigne que « l’intestin », « car « s’il fallait s’occuper aussi du cœur on n’en sortirait plus. » Et le docteur Blondeau fils (Georges Richardeau) ne jure que par « le foie ». Ils s’entêtent. Sont-ils fidèles au serment qui les fit médecin ? Ou en jouent-ils par ruse comme Knock ?
Et les braves Madeleine et Lucien d’exécuter les consignes. La malade ? On la fait taire, on la neutralise. Elle ne veut pas de piqûres ? On triple sa dose !
On ne joue plus guère l’œuvre de Calaferte, l’anarchiste. On a tort. Patrick Pelloquet y reste fidèle et lui rend la place qu’il mérite sur nos scènes. Celle des farces populaires qui font prendre conscience des manipulations auxquelles nous sommes soumis, des habitudes sclérosantes, du manque d’amour.
Yvette Poirier désarticulée comme un pantin, Gérard Darman, vieux père au trainant, qu’on n’écoute pas et qui se rabat sur la nourriture pour exister, Christine Peyssens en maîtresse femme, Pierre Gondard et Georges Richardeau arrogants, tous entourent Patrick Pelloquet, comédien et metteur en scène, avec l’aisance d’un art pratiqué en commun depuis longtemps et superbement maîtrisé.
Les femmes, en rose saumon, (costumes : Anne-Claire Ricordeau) s’agitent dans la lumière crue d’ Emmanuel Drouot, autour d‘un canapé vert bouteille. Le père et le fils se fondent dans le décor suranné, habitués à obéir. Les médecins, taches claires dans ces sombres pénates, détraquent les habitudes.
C’est à hurler de rire. Et l’ordre des médecins, n’a pas porté plainte ? Non, car le spectacle, créé en 2014, à Avignon (Off), tourne toujours. En voilà qui ont le sens de l’humour. Le cas est si rare aujourd’hui qu’il faut en profiter. Et vite !
Photos © Lot
Le Serment d’Hippocrate de Louis Calaferte
Théâtre 14
01 45 45 49 77
Jusqu’au 22 avril
Mardi, vendredi, samedi à 20 h 30
Mercredi et jeudi à 19 h
Samedi à 16 h
14:18 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, thé$âtre 14, louis calaferte, patrick pelloquet | Facebook | | Imprimer
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