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27/04/2009

Livres (4)

Viennent de paraître

 

 

Une voix pour toutes de Dominique Carleton

 

Camille est seule en scène et parle à toutes, au nom de toutes. Ce soliloque railleur qui interpelle Adam, Ève, Marie et quelques autres, s’appuie sur la géométrie et la logique, sur l’arithmétique aussi. Dominique Carleton, dont c’est la première pièce est maîtresse du coq-à-l’âne jusqu’au vertige. C’est drôle et ravageur.

 

Editions Théâtrales, 12 €

 

 L’Invention du théâtre public d’Evelyne Loew et François Rancillac

Après avoir rassemblé, dans les écrits de Copeau, Dullin, Jouvet, ce qui pouvait constituer un dialogue entre nos réformateurs du Théâtre, Evelyne Loew s’est appuyée sur documents journalistiques, des extraits de correspondances, des déclarations, des articles, des commentaires de tous ceux qui ont fait le théâtre populaire. Et sous forme dialoguée, avec François Rancillac, naît une sorte d’épopée en tableaux, illustrée de photos d’archives. C’est à la fois didactique et plaisant.

Ce montage conçu pour de jeunes acteurs, retrace l’exaltante aventure de la décentralisation, cinquante ans de luttes pour le Théâtre populaire.

Cet ouvrage peut servir d’instrument d’éducation vivante auprès de tous ceux qui s’intéressent à la transmission de la culture.

 

Editions de l’Amandier, 18 €

 

11/04/2009

Alexandrie pourquoi ?

 

Elle est née à Alexandrie, du temps où la ville cosmopolite semblait contenir « toute l’Europe ». Elle a vécu en Angleterre, en Italie, mais c’est à Paris qu’elle ouvre « le robinet de (sa) mémoire », dans une mise en scène bienveillante de Michèle Bernier.

Isabelle de Botton « avoue » qu’elle est juive, mais qu’elle ne savait pas que c’était « regrettable ». Elle est aussi un peu « arabe », puisque, à Alexandrie, elle faisait ramadan avec Mabrouk et Tahar. Est-ce sa « faute », si on veut qu’elle « soit de nulle part », « apatride », alors qu’ « [ elle] se sent de partout » ?

Entre une table et un bastingage de plexi-glass,  elle rutile dans sa robe couleur de flamme. Elle entretient, avec humour,  le feu des passions littéraires longtemps brimées dans sa famille où il fallait que les femmes fussent bien éduquées, mais pas trop instruites pour ne pas « faire de l’ombre » aux frères, au mari et au père. Sa mère planquait Baudelaire, Corneille et La Fontaine entre les pages des recettes de cuisine. La fille venge les femmes de sa tribu en servant ces auteurs, c’est-à-dire en devenant comédienne, et elle entretient leur mémoire, en roulant à la main ces gâteaux rituels que de toute éternité, les femmes de la famille ont préparé pour tous.de_botton_isa_photo_presse2.jpg2.jpg

Douce manière de réparer l’injustice qui veut, qu’à la synagogue, les hommes soient séparés des femmes et que les filles ne puissent porter ni taleth, ni tefillins. C'est là qu'Isabelle de Botton a commencé à douter de Celui qui la faisait « l’exclue des exclus ». Elle est devenue comme l’oncle Léon, qui fumait le samedi, une pratiquante « allégée ».

D’Alexandrie elle a gardé le mélange des religions, où « Allah, c’était le bon Dieu pour tous ». Elle a le regret de ses odeurs, de ses saveurs, de sa tolérance. Comme tous ceux  que le fanatisme a chassé un jour des terres de soleil et d’amour, elle revendique sa fraternité avec Moïse, et Dalida.

Et « Cloclo », tu l’oublies Isabelle ? Et le grand frère Chahine, ce merveilleux cinéaste, qui en nous donnant Alexandrie pourquoi ? a éveillé chez nous le mirage d’un Orient ouvert dont nous avons tous la nostalgie.

Allez rire et vous émouvoir d'un itinéraire que d'autres ont emprunté pour venir jusqu'à vous... 

 

 

 

Moïse, Dalida et moi

 d’Isabelle de Botton

Studio des Champs-Élysées à 20 h 30

01 53 23 99 19

16:34 Écrit par Dadumas dans humour, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, culture, langue, humour |  Facebook | |  Imprimer

07/04/2009

Une illusion magique

 

 En 1987, Giorgio Strehler avait présenté, en italien, sur la scène de l’Odéon, La Grande Magie d’Eduardo de Filippo qui nous avait enchantés. Quelques années plus tard, Lisa Wurmser, à la Tempête avait ravivé les charmes de la fable. Aujourd’hui, la pièce entre au répertoire de la Comédie-Française et cet événement nous réjouit, car l’auteur, comédien et chef de troupe à la manière de Jean-Baptiste Poquelin, méritait cette consécration.

La pièce nous plonge dans l’univers de l’illusion et donc du théâtre, avec les tours de « magie » d’un prestidigitateur décavé, Otto Marvuglia (Hervé Pierre) plus chevalier d’industrie que thaumaturge. Il exerce ses talents à l’hôtel Excelsior, afin de distraire les clients en villégiature. Y séjourne le couple Di Spelta, Marta (Coraly Zahonero) et Calogero (Denis Podalydès). Il est jaloux et se défend de l’être. Elle est volage et son amant, Mariano d’Albino (Michel Favory) achète les services du « mage », afin de faire disparaître la belle, pendant « un quart d’heure » dit-il. Des complices préparent le public, Gervasio (Jérôme Pouly) et Arturo (Alain Lenglet) flanqué de sa fille Amélia (Judith Chemla), ne tarissent pas d’éloges sur le spectacle « époustouflant » de Marvuglia, tandis que Calogero, sceptique affirme que « tout est truqué », et qu’il est « heureux parce qu’[il ne se fait] jamais d’illusions ».

La suite naturellement nous prouve le contraire. Marta, volontaire pour le numéro du sarcophage, ne réapparaît pas, et pour cause : son amant l’a enlevée… Calogero réclame sa femme. Marvuglia ne peut la ramener. Mauvais magicien mais bon diable, Marvuglia est un excellent bonimenteur et un psychologue charitable, il donne au mari abandonné une boîte laquée, genre boîte à cigares, qui est censée contenir sa femme. « Si vous ouvrez cette boîte sans y croire, vous ne la reverrez jamais », s’il est convaincu, il n’a pas besoin d’ouvrir la boîte…

La supercherie durera quatre ans, et quand Marta reviendra, Calogero préférera garder la boîte et son mystère plutôt que de reprendre une femme qu’il ne reconnaît pas.

Cette histoire d’amour et de mystification, sert de trame à une peinture des mœurs. Les petites gens de Naples vivent d’expédients et meurent faute de soins, les familles jalouses et avides de respectabilité ignorent la compassion. Pièce pour une troupe d’acteurs, Claude Mathieu, Isabelle Gardien, Cécile Brune, Loïc Corbery, Judith Chemla, Jérôme Pouly et Alain Lenglet animent avec maestria cet univers en se multipliant. Ils rendent réel ce qui pourrait passer pour invraisemblable.

Dan Jemmett, le metteur en scène, suit le protagoniste dans son enfermement progressif (scénographie de Dick Bird). Du décor de carte postale du premier acte, ouvert sur une terrasse accueillante, on passe au logis d’un quartier populeux, puis au salon vide de Calogero cerné de hauts murs et de portes gigantesques.

Denis Podalydès émeut profondément avec ses allures de Charlot (La Ruée vers l’or), ses larmes de Pierrot solitaire pleurant sa Colombine, ses yeux égarés de naïf accroché à sa boîte comme à un talisman. Hervé Pierre, massif, puissant, campe un Marvuglia complexe, tour à tour cruel et bienveillant. Le « troisième œil », du mage n’est pas « le mauvais œil » des sorciers. Il envoûte seulement les spectateurs. Ils sont venus pour ça ! Et c'est magique...

 

 

La Grande Magie d’Eduardo de Filippo

Texte français d’Huguette Hatem, version scénique de Huguette Hatem et Dan Jemmett

Comédie-Française, salle Richelieu

0825 10 16 80