24/09/2008
Une si longue attente
Le décor est céleste (Signé Thierry Flamand). Le soleil frappe les murs éblouissants de blancheur (Lumières de Laurent Béal). La terrasse surplombe une mer céruléenne. Et Laetitia Casta (Elle) a un corps de déesse. L’auteur la compare à Circé l’enchanteresse qui retient Ulysse. Et Elle se prend pour Bardot dans Le Mépris de Godard. À moins que ce ne soit Lui (Bruno Todeschini) qui se prenne pour Piccoli en détaillant ce qu’il aime chez cette femme : « Je n’aime que toi ! Ton visage ! Tes seins ! Tes épaules ! Tes mains ! Tout, quoi ! ».
Mais les hommes sont lâches, et le Prince charmant qui était marié quelque part, retourne dans ses foyers, comme Ulysse à Ithaque… « En amour, disait Napoléon, la seule victoire, c’est la fuite. ».
Lui, a retenu la leçon du stratège, et le mari volage ne le restera pas longtemps. Devant la famille de la belle : une mère trop attentive (Michèle Moretti), un père désorienté (Thierry Bosc), un frère ironique (Nicolas Vaude), une sœur sauvage (Magali Woch), Simon comprend que son bonheur est ailleurs. Prétextant une randonnée, il se sauve. Un secouriste (Stanislas Kemper) dévoile la supercherie.
La belle, séduite et abandonnée, glisse dans la folie. « Il est debout sur mes paupières », dit-elle reprenant à son compte L’Amoureuse d’Eluard.
"Elle l’attend", et la si longue attente détraque sa boussole… La belle était fragile.Banal ? Non, car le style Florian Zeller est inimitable. Bousculant la temporalité, la durée, l’auteur passe sans rupture du réel au fantasme, du présent vécu à la mémoire rêvée, du réel à l’imaginaire. Et Nicolas Vaude, au meilleur de lui-même, donne à son personnage une vérité stupéfiante.
Elle t’attend de Florian Zeller
mise en scène de l'auteur.
depuis le 9 septembre.
Théâtre de la Madeleine
01 42 65 06 28
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Le rouge est mis
Rouge, tout est rouge chez Diana Vreeland (Claire Nadeau), « la flamboyante rédactrice en chef de Vogue, Miss V. dont les avis en matière de mode avaient force de loi. Jusqu’à ce jour,où, brutalement, son employeur lui signifia, par lettre qu’elle « avait fait son temps ».
Rouge de colère ? Rouge de honte ? Rouge parce que ça donne bonne mine... Et qu'elle ne va pas perdre la face !
Elle est seule, aujourd’hui dans son appartement new-yorkais. Elle monologue, remonte le cours de sa carrière, dégringole en aval, s’accroche au bourd du gouffre : l’affront la dépossède de tout ce qui faisait son pouvoir et ses relations se dérobent, l’une après l’autre. Sic transit gloria mundi.
Full Galop de Mark Hampton, et Mary Louise Wilson est devenu La Divine Miss V. dans l’adaptation de Jean-Marie Besset. Le texte frappe, la situation électrise.
Dans le rutilant décor d’Édouard Laug, maquillée ( Suzanne Pisteur) et coiffée comme une geisha (Pascal Donnadieu), Claire Nadeau vêtue de noir (costume de Christian gasc) se cabre comme un animal sauvage et blessé. Elle est superbe.
La mise en scène de Jean-Paul Muel lui donne une aisance triomphale.
Jamais vaincue, Miss V. entame une nouvelle carrière.
À imiter après tout licenciement…
Théâtre du Rond-PointSalle Tardieu, 18 h 30
Jusqu’au 26 octobre.
15:30 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
19/09/2008
Les deux amours de Léontine
Elle en a du tempérament Léontine Béjun (Isabelle Nanty) ! Et de l’ambition pour son mari (Urbain Cancelier) et son amant Lucien (Yvan Le Bolloc'h). Le mari serait plutôt pantouflard, complaisant, pourvu qu’il y trouve son intérêt, l’amant du genre « Bel-Ami », sensuel, ne résistant à aucune séduction : femme, argent, honneur.
Léontine veut que son Béjun se présente aux élections. Il est imprimeur, il devient directeur d’un journal de gauche : La Torche, dont Gélidon est rédacteur en chef. L’adversaire de droite, le Baron Saint-Amour (Gérard Chaillou) rachète le vilain canard et en modifie la ligne éditoriale. Le baron a une fille adorable Madeleine (Cassandre Vittu de Kerraoul). Gélidon n’y résiste pas ! Il reprend son nom de plume, car à Paris, il est aussi romancier. Il redevient Montillac, et pour les yeux de Madeleine signe dans la Torche des éditoriaux cinglants contre Gélidon. Mais, pour ne pas abandonner Léontine, il reste rédacteur en chef d'un deuxième et nouveau canard : Le Phare, qui soutient Béjun et se déchaîne contre Montillac.
Serait-ce dire que les journalistes s’adaptent à toutes les situations ? Que leur pensée est molle et leur idéologie malléable ? Des noms ! je veux des noms !
Arthur Schnitzler, dans les Journalistes peignait un personnage semblable à Gélidon, dans un contexte viennois inquiétant et tragique. Tristan Bernard, lui, égratigne une bourgeoisie provinciale hypocrite, avec une mécanique bien huilée qui mènerait à la catastrophe si tout ce petit monde était sérieux. Mais la belle Léontine se console aisément et Gélidon finit par assumer ses responsabilités. La charge est d’autant plus comique que les acteurs sont excellents.
On ne résiste pas à l’œil allumé d’Isabelle Nanty, au sourire du ténébreux Yvan Le Bolloc'h, à la rondeur d’Urbain Cancelier, à l’autorité de Gérard Chaillou, à la finesse de Cassandre Vittu de Kerraoul. Autour d’eux, Pierre Olivier Mornas (Larnois), Catherine Chevalier (Amélie Flache), Jean-Marie Lecoq (Commandant Mouflon), Jean-Pierre Lazzerini (Honoré Flache), Jean-louis Barcelona (La Chevillette), Michel Lagueyrie (Moreau) ; Laurent Méda (Alfred), campent une société plus sotte que dangereuse. Les décors de Stéphanie Jarre, les costumes d’Emmanuel Peduzzi cernent l’époque qu’on disait « belle ».
Peut-être aurait-on préféré que le metteur en scène, Alain Sachs nous actualise légèrement ce ballet de compromissions ?…
Mais de nos jours, c’est bien connu, personne ne trahit…
Les Deux Canards de Tristan Bernard
Théâtre Antoine
Depuis le 9 septembre
01 42 08 77 71
11:30 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer