Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/06/2014

Lucrèce Borgia monstre ou victime ?

 

 

 

Lucrèce Borgia, Victor HugoElle n’était « pas née pour faire le mal. », mais la jeune Lucrèce, fille de Rodrigo Borgia, devenu le pape Alexandre VI, servit « d’otage politique » entre la papauté et les ducs et princes italiens. Elle fut mariée à un Sforza, en 1493, à l’âge de treize ans, puis, le pape, renversant ses alliances, fit annuler l’union quatre ans plus tard. On la remaria l'année suivante à Alphonse d’Aragon que César Borgia fit assassiner en 1500, et elle fut contrainte d’épouser en troisièmes noces Alphonse d’Este, duc de Ferrare. Elle mourut à trente-neuf ans après son huitième accouchement.

On dit que c’est Sforza, son premier mari, qui l’accusa de rapports incestueux avec son père et ses frères pour se venger de l’humiliation d’avoir dû déclarer devant témoins qu'il n’avait pu consommer le mariage. Les Mémoires de Thomas Tomasi, servirent de source aux récits des crimes de la maison Borgia.  Mais des historiens sérieux, depuis, ont rendu à César (Borgia) la paternité des crimes qui avaient été imputés à sa soeur. 

Cependant le mythe de Lucrèce Borgia était né, et celle qui fut protectrice du « divin Arioste », passait au XIXe siècle pour une criminelle incestueuse. Un monstre. Une figure idéale pour les romantiques. Dumas avait fait de la Reine Margot l’héroïne de La Tour de Nesle, Hugo, après avoir créé, Triboulet « la paternité sanctifiant la difformité  physique » dans Le roi s’amuse (1832)[2] voulut  « la maternité purifiant la difformité morale », dans Lucrèce Borgia (1833).

Mais les chercheurs[3] ont trouvé, dès les brouillons de Cromwell (1827), un fragment précédé du fameux « B-orgia », jeu de mots, qui devient décapitation symbolique sur le blason de cette famille, une action criminelle, au début de l’acte II de Lucrèce Borgia. Sur un autre feuillet, existe tout un canevas dramatique sur le thème de la monstruosité. Dans les feuillets manuscrits de Marion Delorme (1829), ils découvrent « une série de formules » qui renvoient aux Borgia. Puis, inséré dans le manuscrit de Lucrèce Borgia, un canevas de la pièce semble avoir été écrit vers 1830-1831.

Le XVIe siècle inspire Hugo[4]Il s’est documenté sur la France pour Le roi s’amuse, il poursuit sur l’Italie, passe de Brantôme à Sismondi, de Guichardin à Alexandre Gordon, de Marchangy à Moreri… On ne s’étonnera donc pas que Hugo, imprégné de ces chroniques, ait pu écrire Lucrèce en moins de trois semaines. Mais le sujet sent le soufre, il hésite à propos du dénouement et le modifie cinq fois.

Lucrèce Borgia, Victor Hugo, Théâtre

La première a lieu le 2 février 1833 à la Porte Saint-Martin. Mlle George joue Lucrèce, Frédérick Lemaître, Gennaro, et Juliette Drouet, qui n’a pas dix répliques, accepte le rôle de la Princesse Negroni, en disant  : « il n’y a pas de petits rôles dans une pièce de Victor Hugo. »

 Ce fut un triomphe. Adèle raconte que Victor « fut attendu à la sortie du théâtre par une foule compacte » qui « l’escorta jusque sous les arcades de la Place Royale. » C’était en février 1833.

Et Donizetti en fit un opéra qu’il donna à la Scala de Milan en décembre de la même année.

On se souvient qu’Antoine Vitez, en 1985, avait fait, de Nada Strancar une Lucrèce inoubliable. En 1994, Jean-Luc Boutté à la Comédie-Française confiait le rôle-titre à Christine Fersen, qui fut bouleversante.

Aujourd’hui, c’est Denis Podalydès qui met en scène Lucrèce Borgia.

 

 

(Lucrèce Borgia : peinture du Pinturicchio

Lucrèce et Gennaro endormi, Lucrèce Borgia, acte I, gravure de Louis Boulanger, édit. Massin)

 

  (à suivre)

 

Lucrèce Borgia de Victor Hugo

Comédie-Française, salle Richelieu

Jusqu’au 20 juillet.

0825010 1680

www.comedie-francaise.fr

 

 


[1] Geneviève Chastenet - Lucrèce et les Borgia, JC Lattès, 2011.

Claude Mossé - Les Nouvelles Impostures de l'Histoire, le Rocher, 2005

[2] - Pièce interdite  dès la seconde représentation car « les mœurs étaient outragées » (décret du ministre).

[3]- Anne Ubersfeld (Voir Œuvres complètes, éd. Massin, et Le Roi et le Bouffon)  et Guy Rosa (O. C., op. cit.)

[4]  - Il y aura encore Marie Tudor (novembre 1833) pour l’Angleterre