09/09/2016
La course aux prix
Bientôt la saison des prix littéraires ! Pour dénoncer les intrigues et les copinages du milieu éditorial, Edouard Bourdet brossait, en 1927 une satire féroce avec sa pièce Vient de paraître. Elle est toujours d’actualité.
Tout le monde est fébrile chez l’éditeur Moscat (Jean-Paul Tribout), chacun s’affaire, des employés au patron, car c’est le jour où le lauréat du prix Zola va être désigné. Le directeur a tout prévu pour son poulain, un certain Maréchal (Jean-Paul Bordes). Il a réussi à convaincre sept des membres du jury de voter pour lui, mais quand il apprend que son favori a signé chez un concurrent pour ses prochains romans, il change d’avis. Et privé de l’appui de son mentor, le fringant Maréchal se trouve distancé par un inconnu dont c’est le premier roman et que personne n’a jamais vu !
Premier renversement de situation !
Le second ne tarde pas. L’auteur obscur, c’était ce plumitif timide, Marc Fournier (Eric Herson-Macarel), un ancien camarade de régiment de Moscat, qui sollicitait en vain un rendez-vous et publiait à compte d’auteur, en province, sous un pseudonyme. Sa femme Jacqueline (Caroline Maillard) avait de son propre chef, envoyé le roman au jury, Marc étant trop timide pour s’imposer.
Moscat a tôt fait de réparer les bévues, récupérer les contrats, et préparer l’avenir du débutant timoré. Un journaliste de L’Intransigeant, Olibet (Laurent Richard qui joue aussi le rôle de Félix), entre dans la danse.
Dans la course aux récompenses, tous les coups sont permis et Bourdet nous peint autant les éditeurs cupides que les auteurs égotistes et les journalistes complaisants.
Or, Marc n'a plus d'inspiration. Il appartient à une catégorie d'auteurs dits "pélicans", qui se prennent pour Musset et n'écrivent que lorsque la douleur les déchire. Moscat naturellement trouve le remède. On ne sacrifiera pas le poète, mais la vertu de sa muse. Et il s’en faudra d’un instant pour que Jacqueline reste une honnête femme ! Nouveau coup de théâtre ! Et ce n'est pas fini...
Soutenu par les lumières de Philippe Lacombe, Jean-Paul Tribout impose à sa mise en scène un rythme endiablé, et lui-même donne au personnage de Moscat une impétuosité roublarde. Autour de lui, les comédiens sont épatants : Jean-Marie Sirgue interprète un Bourgine dépité et mélancolique, Laurent Richard et Xavier Simonin se multiplient efficacement, Jean-Paul Bordes compose un auteur vaniteux, sûr de lui, et Eric Herson-Macarel son contraire, un personnage inquiet et ombrageux. Caroline Maillard passe avec art du dévouement naïf à l'aplomb insolent. Elle porte avec grâce les costumes de Sonia Bosc.
Pour peindre Moscat, on dit que Bourdet s’inspira de Bernard Grasset, lequel jubilait en y reconnaissant son rival Gallimard. Mais vous connaissez sans doute la parabole de la paille et de la poutre ?
Photos © LOT
Vient de paraître d’Edouard Bourdet
Mise en scène de Jean-Paul Tribout
Théâtre 14
0145 45 49 77
Jusqu’au 22 octobre
du mardi au samedi à 21 h
lundi 19 h
20:12 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre 14, edouard bourdet, jean-paul tribout | Facebook | | Imprimer
11/11/2011
Carte blanche à Hitler
Que faire contre le diable quand on est un jeune prêtre ? Que faire contre le diable quand il s’appelle Hitler, et que le « Vicaire du Christ » sur terre, c’est-à-dire le pape Pie XII, prétend que le diable, c’est Staline et qu’il faut ménager Monsieur Hitler ? Comment arrêter les crimes contre le peuple juif ?
Les personnages de Rolf Hochhuth, les faits dont il s’inspire pour sa pièce, Le Vicaire, sont authentiques. Paul Claudel n’écrit-il pas que « les horreurs sans nom et sans précédent commises par l’Allemagne nazie auraient mérité une protestation solennelle du Vicaire du Christ. » Au moment où son successeur (Benoît XVI) engage le processus de béatification de Pie XII, il est capital de se souvenir de ces atermoiements qui désespérèrent les vrais chrétiens.
Jean-Paul Tribout signe une mise en scène d’autant plus puissante qu’elle étonne de simplicité et de sobriété. Les comédiens sont graves et justes.
On a bien sûr en mémoire le film de Costa-Gavras, Amen (2002), et ses reconstitutions historiques.
Le décor d’Amélie Tribout est unique, constitué de panneaux métallisés, brillants, gris sombre. On retrouve cette couleur anthracite dans les costumes d’Aurore Popineau. Même costume de clergyman, pour tous les protagonistes, un insigne, une calotte, une croix les distingue, tous pareilllement sombres, sauf le pape.
L’effet est garanti quand Pie XII tout de blanc vêtu apparaît, au centre des protagonistes qui attendent un mot de lui pour agir.
Impavide, l’homme aux petites lunettes rondes se considère « innocent du sang versé ». Successeur de saint Pierre ? De Jésus ? Plutôt d’un certain Ponce Pilate qui s’était lavé les mains en livrant le Christ à ses bourreaux…
En hommage à ceux qui eurent pitié des martyrs, allez voir Le Vicaire.
Photos : © Lot
Le Vicaire de Rolf Hochhuth, publié au Seuil
Adaptation et mise en scène de Jean-Paul Tribout
Théâtre 14
01 45 45 49 77
Jusqu’au 31 décembre
18:29 Écrit par Dadumas dans Histoire, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, histoire, littérature, théâtre 14, jean-paul tribout | Facebook | | Imprimer