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19/04/2014

L’Homme à la cravate verte

 

 

Alceste (Loïc Corbery), est intransigeant, impatient. Il ne pardonne aucune complaisance, s’insurge contre la lâcheté de ses contemporains, dans lesquels il ne voit que « fourberies », « cœurs corrompus », « infâmes », et même son ami Philinte (Éric Ruf), n’échappe pas à ses critiques. Philinte au contraire, est indulgent et se rit de la hargne d’Alceste. Mieux, il tente de réconcilier les parties quand les emportements de son ami entraînent des brouilles menaçantes. Toujours souriant, il tente de le mettre en face de ses contradictions. Car enfin, ce jeune homme, si prompt à critiquer, si « intraitable » n’est-il pas amoureux de Célimène (Giorgia Scalliet), une jeune veuve « d’humeur coquette et d’esprit médisant » ? D’elle, rien ne rebute Alceste, car « la raison n’est pas ce qui règle l’amour ».

Théâtre, comédie-française, Molière, Misanthrope, Loïc Corbery, Eric Ruf, Et ce matin-là, alors que les volets intérieurs de la demeure de Célimène sont encore clos, les fauteuils couverts de housses, le jour à peine levé (lumières de Bertrand Couderc), les deux amis sont déjà là, guettant le lever de leur reine de cœur, Célimène pour Alceste, et sa cousine éliante (Adeline D’Hermy) pour Philinte. Mais seuls les serviteurs (Heidi-Eva Clavier, Lola Felouzis, Pauline Tricot, Gabriel Tur) vaquent en silence dans la maison endormie.

La scénographie d’Éric Ruf dessine un salon au pied de deux escaliers distincts qui montent vers les appartements des dames. Un seul escalier venant d’un rez-de-chaussée invisible, conduit les visiteurs au salon. Alceste va et vient, joue quelques mesures au piano (Musique Pascal Sangla).

Tout irrite Alceste, tandis que Philinte, bon enfant, cherche à l’apaiser. L’arrivée d’Oronte (Serge Bagdassarian) va jeter Alceste dans ses indignations. Et la journée qu’il va vivre le mènera au désespoir.

Basque (Yves Gasc) introduit les petits marquis qui hantent la demeure, Acaste (Louis Arène), Clitandre (Benjamin Laverne), et Alceste va devoir supporter que Célimène papillonne avec eux. Il va subir  Arsinoé (Florence Viala) qui calomnie sa belle, éliante qui la défend, les gardes (Matëj Hofmann, Paul Mc Aleer) qu’on lui envoie, son valet Du Bois (Gilles David), qui l’oblige à quitter les lieux. Tous semblent ligués contre lui et il hait « tous les hommes. ».

Clément Hervieu-Léger, qui met en scène, a brillamment saisi ce tourbillon incessant qui emporte Alceste et décuple sa misanthropie. On sera peut-être déconcerté par les costumes contemporains dans lesquels « l’homme aux rubans verts » n’a de vert que l’étroite cravate qu’il arbore et les reflets satinés de la doublure de son imperméable, mais on sera sensible au changement de toilette de Célimène qui quitte son deuil sombre pour parader dans la robe rouge vif qu’on vient de lui livrer (costumes de Caroline De Vivaise).

Et ce qui est tout à fait convaincant, c’est ce duo d’un Loïc Corbery aux fureurs adolescentes avec un Éric Ruf, très grand frère protecteur, rieur, bienveillant.

Enfin, lorsque, tous ses adulateurs l’ont abandonnée, Célimène s’est retranchée, seule, dans sa chambre. Son salon est déserté, Philinte a suivi éliante dans ses appartements. Alors, un des serviteurs égrène sur le piano la romance favorite d’Alceste. Et Célimène rouvre sa porte, un instant, le temps de s’apercevoir de son erreur, comme si elle avait espéré le retour de celui qui avait « le bonheur de savoir (qu’il) était  aimé. »

C’est à ces détails-là qu’on reconnaît la grande sensibilité d’un metteur en scène.

 

Photo © Brigitte Enguérand

 

Le Misanthrope  de Molière

Comédie-Française, salle richelieu

0825 10 16 80

www.comedie-francaise.fr

jusqu’au 17 juillet

 

19/05/2011

Des êtres imparfaits

 

 

Vous connaissez l’histoire. Camille (Suliane Brahim) et Perdican (Loïc Corbery) sont destinés l’un à l’autre depuis leur plus tendre enfance. Il a fini ses études. Elle sort du couvent. Le Baron (Roland Bertin) va les marier. Tout est prêt, même les dispenses (Ils sont cousins). Mais Camille parle d’entrer en religion et feint lune orgueilleuse froideur. Perdican, par dépit, joue les petits coqs, et Rosette (Suliane Brahim), l’oie blanche, est sacrifiée. La comédie marivaudienne se termine en tragédie.

Alfred de Musset bouscule les mœurs, l’éducation, la société. Son texte est sublime et nos jeunes générations s’en délectent toujours. Les humains sont restés  des « êtres si imparfaits et si affreux ! »

théâtre,comédie-française,musset,beaunesne,loïc corberyPour montrer son atemporalité, le metteur en scène, Yves Beaunesne fait jouer les comédiens du Français en tenue « sixties » (costumes de Jean-Daniel Vuillermoz). Rosette, jupe ceinturée passe l’aspirateur en gants de latex rose, en écoutant son transistor. Perdican porte un duffle-coat, Camille arbore le bleu marine des pensionnaires. Maître Bridaine (Pierre Vial) n’a pas encore perdu sa soutane. Et un rideau brechtien sépare l’espace.

Il a supprimé le Chœur, et répartit astucieusement les répliques entre les protagonistes. Il situe l’action dans un espace clos, une salle de billard, dont la table s’enfoncera dans le plancher pour devenir « place », « jardin » « champ » et « fontaine ». Notre attachement à la Nature si chère aux romantiques en souffre un peu, mais ne chipotons pas sur le décor. Car l’interprétation brillante des comédiens rallie tous les cœurs.

Loïc Corbery fait de son Perdican un jeune homme susceptible, mélancolique, fragile. Julie-Marie Parmentier, joue une Camille touchante dans sa volonté de répéter les leçons du couvent. Suliane Brahim en adolescente futile et indiscrète qui se cherche une place au soleil, meurt comme une tragédienne. Quant aux « vieux », empêcheurs de s’aimer en rond,  Pierre Vial, Christian Blanc, Roland Bertin, et Danièle Lebrun duègne offensée, ils sont parfaits.

Au tableau final, ces bouffons devenus juges, veillent le corps de Rosette tandis qu’au premier plan, Camille dit adieu à Perdican effondré.

La scène est inoubliable…

 

 

 Photo : Brigitte Enguerand

 

On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset

Théâtre du Vieux-Colombier

Jusqu’au 26 juin

01 44 39 87 00/01