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06/02/2016

Un chef d’œuvre


Théâtre, littérature, O. Wilde, Thomas Le Douarec, théâtre du lucernairePour Lord Henry Wotton, dit Harry (Thomas Le Douarec), le portrait que le peintre Basil Hallward (Fabrice Scott) vient de faire de son ami Dorian Gray (Valentin de Carbonnières ou Arnaud Denis) « est un chef d’œuvre ». Il faut dire que Dorian, le « merveilleux jeune homme » qui lui a servi de modèle est un jeune homme d’une extraordinaire beauté. Harry est un esthète, seules comptent la jeunesse « le seul bien digne d’envie »et la Beauté. Et Dorian, tel Narcisse se contemple avec complaisance : « Si je demeurais jeune et que ce portrait vieillisse à ma place ! ». Pour ne pas vieillir, il donnerait tout. Et même, ajoute-t-il : « Je donnerais mon âme. »

Voilà un vœu qu’il ne fallait sans doute pas formuler. Car, tous vont vieillir autour de Dorian tandis que lui « a étrangement conservé sa jeunesse ». Cependant, le portrait se dégrade. Le jeune homme a cédé à l’influence du dandy hédoniste or, « toute influence est immorale ». Abandonne-t-il la petite comédienne Sibyl Vane qui se suicide et le portrait prend un rictus cruel alors que ses lèvres, à lui, restent intactes. Entraîné à la recherche du plaisir par le cynique Harry, Dorian fréquente des bouges infâmes, des fumeries d’opium, assassine son ami Basil, puis le frère de Sibyl, et c’est le portrait qui porte les stigmates de ses crimes et « suinte le sang. »

Thomas le Douarec éprouve une grande fascination pour Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. Ce n’est pas la première fois qu’il s’empare du roman pour en faire une pièce de théâtre, et qu’il y ajoute des chansons dont il en signe les couplets. La version qu’il joue actuellement est certainement la plus aboutie et ses interprètes remarquablement bien choisis.

Il garde l’essentiel de la trame, les meilleurs aphorismes d’Oscar Wilde et quatre protagonistes représentent fort bien toute la société victorienne de cette fin du XIXe siècle.Théâtre, littérature, O. Wilde, Thomas Le Douarec, théâtre du lucernaire

Lui se réserve le rôle diabolique de Lord Henry, pour qui « le seul moyen de se délivrer de la tentation est d’y céder », insolent manipulateur, misogyne par provocation. Il est parfait. Valentin de Carbonnières qui jouait Dorian le soir où nous avons vu la pièce, compose un éphèbe tourmenté et séduisant. Une femme (Lucile Marquis ou Caroline Devismes) sera toutes les femmes, tour à tour comédienne, chanteuse de cabaret ou lady. Fabrice Scott sera Basil et James, le frère de Sibyl, deux personnages que la morale guide encore dans une société où fleurissent tous les vices.Il est aussi pianiste. Tous les talents !

Les costumes de José Gomez sont élégants, toujours congruents aux personnages et quelques accessoires plantent les décors.

Il est subtil Thomas Le Douarec. Nous ne verrons jamais le tableau. Le chevalet, se dresse face aux comédiens, et  leurs visages s’éclairent d’étranges lueurs quand ils le contemplent (lumières Stéphane Balny). De quoi nous donner envie de relire Oscar Wilde et ce roman dont il conserve intégralement les dernières phrases.

C’est une réalisation d’esthète, fidèle à l’auteur et intelligemment ciselé pour le théâtre.

 

Photos : © LOT

 

Le Portrait de Dorian Gray d’après le roman d’Oscar Wilde

Adaptation et mise en scène de Thomas Le Douarec

Théâtre du Lucernaire à 20 h

01 45 44 57 34