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16/05/2012

Universel Peer Gynt


 

Éblouissant ! Le Peer Gynt  qu’Éric Ruff vient de mettre en scène laisse le spectateur sonné de tant de beauté, et d’intelligence. Il réussit à éclipser les autres versions que nous avons connues et il donne à cette œuvre, un rayonnement universel.

Vous vous souvenez sans doute du Norvégien nommé Peer Gynt. Un vaurien au grand cœur qui fait pleurer sa mère toujours prête à l’accuser, mais aussi prompte à le défendre. Le jeune homme rêve de gloire, mais néglige ses terres, et ce jeune paysan affirme qu’il sera « empereur ». Séducteur, il ne transige pas avec la chasteté des filles. Il se montre sceptique mais affronte les trolls, et croit à l’assistance miraculeuse d’un Dieu sans doute chrétien. Souvent battu, dépouillé de tout, il ne s’avoue jamais vaincu. Mis hors-la-loi dans son pays, il préfère errer pendant vingt ans plutôt que de se soumettre à la justice des hommes. Le droit chemin aurait voulu qu’il « fasse pénitence », mais le Grand Courbe le pousse à fuir jusque dans un Orient grouillant pour se frotter à l’étrangeté du monde. 

Se repentir ? « Quelle vie régressive ! » Il est trop épris de liberté. Il est, en somme, tellement humain dans ses contradictions que chaque spectateur y reconnaît un proche un peu foutraque, et à bien réfléchir un peu de soi-même...

Peer Gynt gagne gros, perd encore plus, et revient enfin au pays natal vers la pure Solveig qui l'attend, comme la belle Bauldour attendait le beau Pécopin. Quelque part, le diable veille, et la mort est toujours en embuscade.

Hervé Pierre incarne avec génie cet antihéros devenu mythe sous la plume d’Henrik Ibsen, et que la juteuse traduction de François Regnault nous rend fraternel. Autour de lui une troupe d’exception accompagne son itinéraire. Catherine Salviat, Claude Mathieu, Florence Viala, Suliane Brahim, Adeline d’Hermy, changent de rôles avec une prestesse divine. Michel Favory, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne, Gilles David, Nâzim Boudjenah, passent d’un personnage à l’autre avec un talent prodigieux. Les jeunes élèves comédiens, Romain Dutheil, Cécile Morelle, Émilie Prevosteau, Samuel Roger, Julien Romelard se révèlent prodigieux. Catherine Samie est Ase, admirable dans ce rôle de mère, affolée et tendre. Et pour les soutenir dans les pérégrinations incessantes, gambade ou pleure la musique originale de Vincent Leterme qu’il interprète lui-même aux claviers, accompagné au violon par Floriane Bonnani, aux guitares par Hervé Legeay et au cymbalum et percussions par François Rivalland. En quatuor concertant ou fanfare tonitruante, Jazzmen ou tziganes, les musiciens s’intègrent aux comédiens avec bonheur.

Dans le Salon d’Honneur du Grand Palais, l’espace est bi-frontal. Entre deux rangs de gradins court un long chemin de terre bosselé, rainuré en son centre par deux rails de fer sur lesquels une draisine fait office de char, de charrette, de lit, de corbillard, de navire, d’estrade. Les costumes de Christian Lacroix ont la rigueur  des protestants, la splendeur des contes orientaux, la fantaisie des créatures surnaturelles et le naturel des univers fantastiques. C’est un ravissement constant, une surprise toujours renouvelée.

Bien sûr on voudrait citer tous les artisans de cette réussite. On va certainement être injuste en oubliant un nom.

Mais nous  qui « sommes tous de la race de Peer Gynt », il nous arrive d’être opportunistes, cyniques, lâches, insensés », mais aussi « citoyens du monde », généreux, confiants, et surtout émerveillés devant la perfection de cette représentation.

 

 

 Peer Gynt se Henrik Ibsen, texte français de François Regnault

Jusqu’au 14 juin 2012

Salon d’Honneur du Grand Palais,

à 19 h sauf le mardi

 

www.comedie-francaise.fr