03/09/2012
Le scoop de sa vie
Ils disent qu’ils « traquent » la vérité, mais souvent, ils n’en découvrent que des morceaux. Quelques-uns parviennent à les assembler logiquement, d’autres bricolent une vérité qui les arrange de façon à obtenir « un scoop », car chez certains journalistes « mieux vaut être le premier à se tromper, plutôt qu’être le deuxième à dire la vérité ».
Avec Le Scoop, Marc Fayet, signe une comédie grinçante qui met en scène trois espèces de journalistes. Pierre Merlin-Pontet (Philippe Magnan), se revendique de Kessel et de Camus, ancien correspondant de guerre, devenu misanthrope, et qui juge sévèrement le « cirque médiatique ». Sous prétexte de lui rendre hommage, un patron de presse, le bien nommé Dupire (Frédéric Van Den Driessche) charge un jeune arriviste, Grégory (Guillaume Durieux) d’un reportage sur lui. Mais chacun prétend détenir une vérité différente. Dupire voudrait démontrer que l’intègre Pierre a été tortionnaire en Algérie pendant la « pacification », et Grégory que Pierre a laissé son caméraman se faire assassiner à Sarajevo. Autre enjeu : découvrir qui est le véritable géniteur de Mélodie Pontet, que Pierre a reconnue, et qui est la fille de Claire (Frédérique Tirmont), sa compagne.
Évidemment ce que pensent l’un et l’autre n’est pas « la vérité ». La jeune Julie, qui tient la caméra pendant les entretiens que dirige Grégory, s’offusque bien un peu du but peu avouable de ce reportage, mais comme Grégory lui enjoint : « Filme d’abord et tu comprendras », elle obéit, allant jusqu’à mettre sur internet, les élucubrations du jeune loup qui refuse « les problèmes de conscience » et croit tenir « le scoop de sa vie ».
Marc Fayet, qui met également en scène, impose à l’action un rythme soutenu. Pas de temps mort dans l’action, pas de scènes inutiles. Le spectateur est emporté vers la révélation finale avec des répliques mordantes, des changements rapides de décors ( Édouard Laug), où le jeu des lumières (Laurent Béal) prend toute son importance.
Les comédiens sont épatants. Frédérique Tirmont élégante et racée joue sans pathos, Aurore Soudieux affiche un joli talent de naturel et Frédéric Van Den Driessche une brutalité tranquille. Philippe Magnan, apparemment flegmatique, un rien cynique module son ton rogue, ses colères, ses amertumes. Guillaume Durieux, sait passer du sourire naïf au ricanement de l’ambitieux sans scrupule.
La pièce est excellente. Elle vous donne un excellent conseil final, et, en ces temps où la presse « people » ravage l’opinion, suivez-le.
Photo Claire Besse
Le Scoop de Marc Fayet
Théâtre Tristan Bernard
01 45 22 08 40
Du mardi au vendredi à 21 h
Samedi à 18 h
17:08 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre tristan bernard, marc fayet | Facebook | | Imprimer
11/02/2011
Recrutement spécial
Du temps où le travail existait, les responsables de l’embauche avait à cœur de choisir le meilleur candidat. Aujourd’hui, afin de pourvoir un poste, on multiplie les entretiens afin d’éliminer, avec les pires méthodes. Celui qui reste est-il compétent ? Peut-être ! En tout cas il est cuirassé contre toutes les attaques psychologiques, et prêt à ouvrir toutes les chausse-trapes pour évincer les autres concurrents. Qu’il connaisse le marché, les dossiers, on s’en tape ! Ce qui est important c’est qu’il reste seul…
C’est avec cette méthode, dite Méthode Grönholm, du nom de la maison mère sise en Suède, que Jordi Galcerán imagine l’entretien auquel sont convoqués, ensemble, Marc (Lionel Abelanski), Pierre (Philippe Vieux), Charles (Yannis Baraban) et Julie (Marie Piton). Les personnages oscillent entre sadisme et sentimentalité, et les comédiens assument toutes les horreurs de leurs rôles. Le décor d’Olivier Post est limpide, les lumières soutiennent l’action.
Au jeu des faux-culs, tous les coups bas sont permis. Et le plus répugnant gagne ! Enfin, pas vraiment, car le dénouement se voudrait « moral ». Encore faut-il se demander si ceux qui démasquent l’hypocrite ne sont pas les plus salauds…
Mis en scène par Thierry Lavat qui signe aussi l’adaptation, quatre comédiens aguerris mettent en garde les spectateurs naïfs contre les manipulations dans les entreprises. On en apprend de belles ! Le texte est mordant, construit dans une progression qui tient en haleine jusqu’au bout.
La soirée serait excellente sans la réflexion qu’elle suscite. On se flingue tout de suite ou on fait la révolution ?
La Méthode Grönholm de Jordi Galcerán
Théâtre Tristan Bernard
Du mardi au samedi 21 h
O1 45 22 08 40
photo : © BM Palazon
10:38 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre tristan bernard | Facebook | | Imprimer